Ouverture des Méditations

C’est avec une certaine solennité que j’ouvre ici une série de textes que j’intitule d’avance des « méditations ». C’est avec un mélange indéterminé d’audace et d’hommage que je reprends ce mot si cartésien et cette tradition si personnelle des « méditations » qui va, pour la lettre, de Saint Augustin à Husserl, voire, pour l’esprit, de Socrate à Wittgenstein. C’est pour reprendre ce chemin de la méditation, qui va de l’ignorance volontaire à l’infinie liberté de la pensée personnelle, que je respecterai quelques règles, comme une déontologie :

 

Mes méditations seront irrégulières. A chaque fois, sans date fixe, il s’agira de penser à même une lecture en cours. Il ne s’agira pas de résumer, mais de résonner. Il ne s’agira pas diriger des lectures, mais de provoquer des écritures et de perpétrer des échanges, voire des dons. Il ne s’agira pas de dire que penser, mais de penser, ou du moins de tenter de le faire, et de le rendre plus tentant. Avec à chaque fois, imprévisible et pourtant permanent, le pari que cela agira.

 

Mes méditations seront vécues. Je ne méditerai sur un livre qu’honnêtement, c’est-à-dire seulement si j’en ai fait réellement une expérience assez vive et assez vaste pour être certain qu’il provoque sa propre expérience, c’est-à-dire qu’il pense au point de faire penser. Ma seule promesse est que si vous le lisez, vous ne serez surement pas d’accord, mais vous vivrez quelque chose.

 

Mes méditations seront amicales. Je dirais toujours du bien des livres médités, car je ne parlerai que de ce qui est bien au point de faire du bien. Quant à l’amitié, chaque philosophe à la fois honnête et vivant a tellement d’ennemis et si peu d’amis qu’il vaut toujours mieux figurer parmi ces derniers que parmi ses meurtriers. Comme disait l’ami Platon : Socrate est un homme, et les hommes sont mortels… (1)

Mes méditations seront donc brèves, comme la vie. Je dirai fort peu de chaque livre. J’essayerai même d’en dire le minimum, le strict minimum pour que vous le lisiez et qu’il déclenche un maximum d’effets. Plutôt que tout vous dire du livre, j’essayerai de vous en dire le rien, de suggérer l’étendue de ce qu’il rend pensable.

 

Enfin mes méditations seront et vous rendront libres puisque, vous aurez toujours le choix : mieux parler du livre sans l’avoir lu, ou mieux penser en le lisant. Vous pourrez même nous dire, ici même, ce qu’il vous aura fait et vous aura permis (2).

 

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(1) (…sauf à être sauvé par ses amis, bien sûr, comme il advint à Averroès ou à Spinoza, mais pas à Michel Servet).

(2)  Même rien, si c’est le cas : pour chaque livre présenté, je promets des excuses publiques à tout lecteur malheureux qui aurait tout lu, mais rien vécu.

13 thoughts on “Ouverture des Méditations

  1. Très touchée par le rappel de Michel Servet . J’habite Annemasse , sa statue est devant l’hôtel de ville . Genève est proche .

    Alors, oui , méditer est un “devoir infini “, comme cuisiner un velouté de potimarron avec gingembre et curry relève de l’amour infini …

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  2. “Parler de ce qui est bien”, c’est déjà une belle philosophie. Cultiver des rapports amicaux où chacun a son mot a dire parce qu’on l’écoute, c’est lui accorder ce regard qui le rend sujet, qui le fait exister pour qu’il puisse ajouter un verbe créant du sens, et qui nous permette d’avoir l’idée du complément. S’astreindre à voir ce qui est bien, c’est aussi saisir la moindre opportunité pour éviter le conflit, non pas pour le fuir, mais pour le rendre inutile parce que l’on donne envie d’autre chose.

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