Sur les photos de lieux de vie d’Ella Balaert,
elle n’apparait jamais. Et c’est logique, impitoyable :
Si vous êtes sur la photo, c’est une photo de vous
et le lieu disparait, puisque ce n’est plus qu’un fond.
Si vous n’y êtes pas, c’est une photo de lieu
Mais vous n’y êtes plus, et il n’y a plus personne.
Les lieux de notre vie sont ceux où l’on n’est pas.
Car les lieux, entre nous, n’existent-pas beaucoup. Et nous, entre eux, guère davantage. Je ne peux pas plus m’étendre entre eux qu’ils ne peuvent se glisser entre nous, comme des paroles. Nous existons aussi peu qu’eux, si peu que c’est notre seule chance d’alliance. Car ils n’existent pas, nous non plus, mais ils ne sont pas nous, et cette différence, cette limite, ce bord ténu qui nous sépare d’eux, et qui nous fera exister, parce que nous différons. Entre les choses et nous, il n’y a pas la nausée et l’absurde, comme quand deux réalités s’étrangent et s’ignorent, mais un jeu, un passage, une mutation, une alliance enfin, par laquelle des inexistants se font exister les uns les autres. C’est parce que je n’ai rien à faire en ce lieu, et qu’il n’a rien à faire de moi que nous y serons heureux.
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