Si l’on accepte que les langues soient très nombreuses et les écritures très rares, on finit par opposer à plusieurs milliers de langues une trentaine de littératures seulement, et l’on risque de conclure que bien peu de peuples ont écrit.
Et pourtant, imaginez que l’Allemagne ait gagné la guerre et imposé sa langue à toute l’Europe. Les écrivains des pays conquis écriraient en allemand, y compris l’histoire de la destruction de leur peuple, mais pourrait-on les incorporer dans la littérature allemande, ou a fortiori conclure que leur propre littérature n’a jamais existé ? Or le problème est le même avec les écritures indiennes d’Amérique, ou celles de tant d’autres peuples conquis.
Bien des colonisations ont peut-être eu tendance à se justifier par la négation de l’écriture conquise, après l’avoir interdite ou détruite, et finalement incorporée. Peut-être même qu’aucune conquête ou annexion ne peut se présenter comme un progrès de la civilisation sans nier au préalable l’écriture de l’autre : comment un sauvage pourrait-il être auteur ?
Convenons donc avec Lévi-Strauss que tous les peuples ont eu une histoire, mais ajoutons qu’ils ont tous eu une écriture, même si nous en avons oublié le sens, effacé les traces ou détruit les auteurs.
L’objet de la littérature, serait de nous le rappeler, et d’ainsi interpréter l’Histoire peu importe la langue.
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intéressant
elle n’aurait pas de nationalité, alors?
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… écrit ou peint ou dessiné (les grottes sont les restes de leurs livres)…
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mille fois oui
nous sommes tout à fait d’accord
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Speaking and also writing is a community thing, even for those who only write for themselves. When you write, you belong to a community sharing not only the language, but also -let’s say- some common paradigms.
You can’t revive a language if the community is lost.
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