Avec Socrate, force nous est d’envisager la possibilité d’une philosophie d’un nouveau genre, dont toutes les unités minimales ne seraient pas des affirmations, mais demeureraient des questions. C’est en effet dans la question que réside à chaque fois le point de départ, chacun des pas de la méthode, et le résultat final de l’examen socratique.
A première vue, la question initiale, qui fournit le thème et l’enjeu de la discussion, semble ouvrir la recherche et exiger la découverte d’une affirmation vraie. A ce premier niveau, l’horizon de l’examen semble être une vérité à découvrir. La question aurait encore la forme de l’affirmation, mais le contenu manquerait. La question ne serait au fond qu’une réponse en souffrance.
Mais Socrate persiste dans la question. Du point de vue de la méthode, il réside tout entier dans cette unique décision, fort tenace, aux conséquences protéïformes, de persister dans la question. « Ma ténacité pour ce qui est de poser aux savants des questions ! Il y a même des chances que ce soit là tout ce que j’ai de bon, n’ayant par ailleurs rien que de très misérable. » [1]. Car cette question initiale va provoquer plusieurs réponses successives de l’interlocuteur, qui vont chacune à leur tour occasionner une série de questions dont l’effet le plus courant est une contradiction entre les réponses successives de l’interlocuteur. Chaque réponse globale est traitée comme une simple hypothèse, qu’un bain de questions se charge de résorber: “Pour ma part, j’aimerais te questionner, pourvu que tu sois le même type d’homme que moi (…) content d’être réfuté quand ce que je dis est faux»[2].
Le questionnement n’est pas une méthode de solution mais une méthode de dissolution, où la seule vérité acquise est que chaque réponse est fausse. La fin de la discussion n’a donc rien de final : elle n’est qu’une interruption qui retrouve et laisse entière la question initiale. Au fond, Socrate ne pose pas la question : il l’inflige. Rien ne dit qu’il l’eût posée par lui-même, indépendamment de l’interlocuteur qui l’occasionne, la motive et lui semble la mériter, comme une sorte de sanction ou de leçon. Il faut en effet mesurer les provocations, quasiment les attentats perpétrés par Socrate dans le fait même de sa question initiale. A elle seule et dans son fait même, la question socratique est tout uniment ignorance volontaire, ironie, et redéfinition de la vérité.
[1] Platon, Petit Hyppias, 372 b.
[2] Platon, Gorgias, 458 a.
Tout est dans le comment formule-t-on la question. Et tout est aussi dans l’écoute des différentes réponses. Et l’écoute n’est pas le fort de beaucoup de gens… comme si on avait rien à apprendre de l’autre.
C’est pourquoi un débat où on ne laisse pas les répondants s’exprimer sont, non seulement d’un lassant, mais se révèle sans intérêt. De toute façon, la plupart aime les réponses qui vont dans le sens de leur mode de pensée.
Je ne sais pas si j’ai répondu à la question 😉
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Etait-ce le but?
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Bonne question 😉
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La question philosophique, ou comment établir ce postulat qui devrait toujours être premier : retrouver l’étonnement. Vaste chantier …
Auquel répondait de façon légère (mais peut-être pas tant que ça…) Woody Allen avec sa formule célèbre : “J’ai des questions à toutes vos réponses.” 🙂
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Shakespeare ÊTRE OU NE PAS dit E est la question.
Et je vous dis qui je suis-je doute, si chacun dans notre être que nous sommes différents
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On redistribue les cartes à la fin, c’est louable et rend tout le monde maître du “je”.
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La question peine à retenir l’interrogation vivante du corps*
c’est à dire son déséquilibre du passé vers l’avenir
(ou équilibre instable sur un présent sans épaisseur)
c’est ce que (?) Socrate met en évidence (?) par sa question
qui vaut le coup de bâton infligé par le maître zen
à l’élève … qui pense encore qu’il y a une réponse.
____
* (à l’aide du seul filet – nécessairement troué – des mots)
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Peut-être que la réponse essentielle, celle du sens de notre existence, ne peut-être ici-bas qu’une question infinie face à l’infini de Dieu, infinie comme l’Amour, qui toujours infiniment s’approche et ne peut totalement s’atteindre dans le monde terrestre, mais parfois quelque chose du monde de Dieu nous est délivré et nous délivre, nous avons la réponse de l’évidence.
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Questionner intelligemment et sincèrement est une quête de partage avec autrui, la recherche d’un dialogue cohérent, constructeur pour se renseigner, apprendre, approfondir, approcher l’autre, comprendre peut-être, sans aucun doute accepter lorsque nous sommes prétendus responsables que, ce qui nous importe chez le correspondant. Qu’est-ce l’être humain sans interrogations? Un rêveur, un révolté, un ignorant, un chercheur solitaire… ou alors un sujet humain en doute au sujet de sa propre existence? La réponse, bien que n’étant pas philosophe, ne peut être toujours dans la question. Je ne suis qu’un ignorant…. Il faudrait que je sois un voyant extra lucide ou ai étudié de longues années… Bien que la vie fasse partie de la mort annoncée et dont quatre vingt pour cent des humains la craignent ou évitent d’en parler, nous cherchons tous des explorations, pour même si nous approchons seconde après seconde à cette échéance inévitable, avoir l’expression que ce n’est pas pour nous, mais pour les autres… Le bouc émissaire est l’avenir et nous n’avons, personne du peuple beaucoup de réponses, que de l’espérance ou de la peur. L’émotionnel nous affaiblit au delà de nos clairvoyances! Salutations et fraternité.
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