L’existence pourra-t-elle survivre à l’essence?

Tout, partout, joue à troubler les genres et les frontières, à franchir les limites, à mêler les contraires. Lorsqu’on voit se confondre animal et machine, beau et laid, catalogue et magazine, publicité et information, l’idée vient qu’il existe des objets entre les essences, des indécis. Ainsi la marque n’est pas un objet, pas un produit, pas un dieu : elle traverse tout cela ; elle est un trans-objet. Ses pratiquants ne s’adonnent pas plus à une entreprise qu’à une religion ou à un groupe d’opinion. Objets indécis, dont la nature semble précisément de périmer les frontières entre les anciennes natures.

Les images sont-elles des trans-objets ? L’image vient du miroir ou du lac. Marx disait « le corps de A est le miroir de la valeur de B ». Le miroir, comme le lac, accueille toute forme sans s’en laisser imposer aucune. Ils sont ces lieux informes, ces plans neutres ou l’image rebondit. L’écran est sans image. Ce qui contient tout n’est rien, sinon quelque pure possibilité quasiment sans limite.

Existe-t-il des objets dont la nature serait la fusion de deux autres ? Des coulis de nature. Des invasions, des confusions. Coûter aussi peu que l’un, rapporter autant que l’autre. Peut-il y avoir rentabilité sans cette duplicité, cette conature ? Tout objet rentable est nécessairement à la fois deux autres, dont il n’est pas plus l’un que l’autre, étant tout entier jeu sur leur différence. Voilà les nouveaux objets : des jeux sur des différences : tout écart peut être l’occasion d’un prélèvement de la différence.

L’idée d’un lien direct possible entre l’hypercapitalisme, le point de vue ludique et le rien: définir le jeu comme un rien rentable. Le rien était défini comme existence et non existence. Il permet dés lors à un bon joueur de cumuler les avantages de l’existence et de la non existence, pour peu qu’un autre, le perdant, cumule les inconvénients des deux états. Jouer gagnant, c’est cumuler les avantages de deux états contraires, jouer perdant, c’est à l’inverse en cumuler les incommodités.

8 thoughts on “L’existence pourra-t-elle survivre à l’essence?

  1. Bonjour Jean-Paul ,
    Il est de même que pour l’homme pour les objets , les contraires s’attirent et se repoussent pour finir comme l’homme par s’unir . En effet sur un objet vous prenez une chose a un que vous remettez a l’autre et là , vous vous apercevez que cet ensemble se complète a merveille , s’étonnant même de ne pas y avoir pensé plus tôt . Comme pour l’être humain , il faut faire plusieurs essais d’assemblage pour faire un ensemble homogène .
    Cordialement et bonne journée

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  2. Lire : Martin Heidegger – Remarques sur art – sculpture – espace (Rivages poche / Petite Bibliothèque)
    “Ton corps modèle l’espace qui modèle ton corps” ou, tout ce qui est EST définitivement et à jamais. (gub)
    Si l’existentialisme est un humanisme, l’essence des objets pétris de nos intentionnalités n’ a pour unique fonction (morale) que de nous représenter. Elle est porte-parole et représente maladroitement nos imaginaires. Cependant, contrairement aux aliments, ces objets ne sont jamais destinés à devenir du “nous”.
    Ces objets occupent des espaces, témoignent et signifient, mais ils n’ont pas d’autre responsabilité réelle que celle de modeler l’espace qui les modèle – l’immense responsabilité, sans doute limitée, de tous créateurs.
    Gub

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