Voulez-vous exister ?

La découverte de Descartes, c’est qu’il suffit pour exister de le décider, autrement dit que l’existence est volontaire. En ce sens, le cogito n’est pas une prise de conscience, mais une décision, un acte de la volonté. L’existence, dès lors, n’est un fait qu’au sens précis d’un  fait de la conscience, au sein duquel la conscience fait l’existence. Voila pourquoi le cogito ne vaut que pour moi, et qu’il n’est vrai qu’au moment où je l’énonce, c’est-à-dire tant que se maintient ma volonté d’exister. Voila pourquoi la liberté se découvre toujours chez Descartes avant même l’existence, comme cette irréductible latitude de vouloir ou pas, comme cette insurrection qui me fait être. La conscience est un faire, et l’existence est son fait.

Voila pourquoi, enfin, je ne suis pas une chose. Pourquoi je ne saurais figurer parmi ces choses que l’on peut révoquer en doute. Car les choses environnantes n’ont que l’existence à jamais douteuse de ce qui est là sans s’être fait. Aucune d’elles n’est son propre auteur. En pensant à ces choses toutes faites, je mesure ma chance d’être rien, qui, en me vouant à me définir moi-même, me condamne à la liberté. Aucune d’elles n’est un point ferme et assuré, c’est-à-dire un  rien qui ne figure dans l’espace que par sa résolution et son courage, Descartes disait sa générosité. Aucune d’elles ne sait jouer tout son avenir dans un instant. Aucune d’elles ne mourra, comme si leur existence passive les dispensait de devoir cesser ; comme si la mort était le juste prix de notre autonomie.

Faisons-nous donc, dussions-nous être les seuls mortels dans l’éternité des choses.

29 thoughts on “Voulez-vous exister ?

  1. “tous les dragons de notre vie ne sont peut-être que des princesses qui attendent de nous voir beaux et courageux. Toutes les choses terrifiantes ne sont peut-être que des choses sans secours qui attendent que nous les secourions.” Je lisais ces lignes dans un très beau texte (Cyril Neyrat) sur le film qu’un couple d’artistes a réalisé à partir des images qu’ils avaient prises de leur fille avant qu’elle ne meure (emportée par la mucoviscidose à l’âge de six ans), “Marguerite et le dragon” (E2p/Independencia, édité en dvd). J’ai pensé à la poésie qui émane de vos propos. Ici ce sont des vers de Rilke. Vous, vous parlez de Descartes… Mais il y a autre chose, il y a la beauté.
    merci

    Like

  2. Je viens de décider que “je veux publier mon roman”, je veux tenter ma chance, mais ces personnages n’existent que dans mon roman, mais de toute manière ces personnages viennent de moi, je suis fière d’oser écrire et créer des histoires, mais les lieux existent et j’en ai des questions sur la société…

    Like

  3. Sounds like you are suggesting the beginnings of existentialism were there in the insight of Descartes’ epistemology. Interesting post, good to see someone else posting about the traditional philosophers.

    Like

  4. A mon sens oui, vouloir exister tient à chacun!
    Je suis ce que je veux être et libre de le décider.
    Sans aucun doute, j’existe.

    Like

  5. Le fait de pouvoir décider implique le fait d’ être ,d’exister …..Est ce que l’objet , l’animal sont conscients de leurs existence (pourtant réelle) ? non,car il ne sont pas aptes à décider (malheureusement ,sinon, ils se révolteraient contre l’homme qui lui pense,raisonne mais détruit tout ce qui l’entoure et de ce fait se détruit lui-même ) Mais c’est un autre débat

    Like

    1. Qu’est-ce qui vous fait dire que Pépée n’était pas apte à décider ? Qu’elle n’avait aucune conscience ? Ne froissez pas à titre posthume le maître dont vous vous réclamez par Gravatar interposé… Au risque de m’attirer les foudres de l’ensemble de l’Académie, plusieurs observations m’amènent à penser qu’il y a bel et bien des manifestations de conscience embryonnaire chez certains animaux. La différence avec les hommes – et encore faudrait-il déterminer lesquels – réside dans le rapport de force des outils.

      Like

  6. Conscience > liberté > volonté > cogito > existence ? Conscience > curiosité > cogito > volonté > existence ? Ou non…
    Amplitude des modes de définition ? Niveaux de coercition ? Adéquation entre société et définition ?
    Eternité des choses, éternité du cycle : résidus de clichés théologiques traditionnels ? Derniers tabous publics ?
    Influence de l’amplitude sur l’instant qui conditionnerait l’avenir ?

    Like

  7. Là je ne peux pas répondre , désolée
    comme cela par du postulat qu’il y a une volonté
    et que ce postulat étant ( pour moi ) erronné

    Like

  8. une chose n’as pas de raison d’être à moins d’avoir été construite par un être vivant
    faut il rationaliser l’existence d’un être vivant ?
    rationaliser et ne pas trouver de raison, ça serait le condamner
    il faut juste voir et se laisser être
    il y a toutes les raisons à l’existence tout comme il n’y en a aucune
    penser le paradoxe c’est alors accepter l’un et l’autre
    il n’y a pas d’entre deux
    le règne de la raison et de la non raison est, simplement
    ceux qui rationalisent l’existence vont trouver la non-existence
    ceux qui ne rationalisent pas , il n’y aura rien, non un vide mais la présence de l’existant

    Like

    1. Y a-t-il à quelque chose raison d’être ? La raison d’être d’une chose (au sens d’objet matériel inerte, tel que vous l’entendez) n’est-elle pas, en général, purement subjective (au sens de « variable ») ? N’est-elle pas souvent artificielle, en ce qu’elle n’est même pas subjective (au sens de relevant de « l’être pensant comme conscience individuelle ») ? Et comment définiriez-vous « la nature » (càd l’environnement naturel), en tenant compte de sa raison d’être pour l’humanité et les autres espèces vivantes ? Pas comme une chose, à bien vous lire. Mais quoi, alors ?

      Tant de choses (telles que vous les entendez) construites par des humains ont une utilité toute relative, puisque je présume que c’est ce que vous entendez par « raison d’être ». Or, en lisant l’articulet introductif, ne sommes-nous pas amenés à conclure, dans l’esprit qui y est développé, que les choses, les objets (de désir ou d’autre chose) sont loin de se limiter aux choses (telles que vous les entendez) ? N’est-ce pas de facto l’utilité conférée à toutes ces choses (qui ne préjuge en rien de leur utilité réelle) qui constitue la pierre angulaire de la fourmilière humaine, aujourd’hui (malheureusement) plus encore qu’hier. Cet utile a-t-il une valeur ? Laquelle ? Et l’inutile a-t-il une raison d’être ? Qui établit ce qui est utile et inutile ? Et qui a énoncé que ce qui est inutile est condamné ?

      Dans votre commentaire, le paradoxe ne réside-t-il pas dans la négation de l’entre-deux que vous esquissez pourtant par ailleurs ? Tout, chez « notre hôte », n’est-il pas clair-obscur, entre-deux ? Comment pourrait-il y avoir deux camps, ceux qui ceci d’une part, ceux qui cela d’autre part, et ne pas y avoir d’entre-deux ? Ressentir intensément, forcément à intervalles, l’appartenance à un tout ne me semble pas antinomique avec la tentative d’expliquer ce ressenti, qu’il soit ou non la cause première de l’existence. Ce sentiment et l’exercice de la raison me semblent au contraire complémentaires.

      Agréable mais retorse formule que cette « présence de l’existant » : s’agit-il de l’assise d’une foi ? Et en quoi cette présence prémunirait-elle contre le sentiment d’inexistence, que vous réservez à « ceux qui rationalisent » ? Si le rien n’est ni le vide, ni l’inexistant, ni l’annulation mutuelle de l’existant et de l’inexistant, quel est-il ? S’il est empli de cette « présence », c’est que l’existence a, hors tout processus de pensée, la haute main sur l’inexistence. Mais par quoi cette dernière se caractérise-t-elle alors ? Si je suis dès lors que je ne suis pas, comment être rien qu’en « me laissant être » ? (bis lecta aedificant)

      Like

  9. Bien évidemment que j’existe, je ne le veux pas, je suis vie donc j’existe !
    C’est pour cela que je dépose ici ma vision des choses 🙂
    Chaque jour, chaque minute, je prends des décisions, je travaille, je vaque à mes occupations, je communique, je partage, comme c’est bon et agréable !
    Je ne suis pas dans la survie et la pulsion comme le règne animal.
    Si cela n’était, je ne serai rien !

    Like

  10. En réponse à cette question, j’ai envie de raconter une histoire vécue par une amie, il y a déjà de nombreuses années. Elle était pédo-psychiatre dans une institution pour enfants handicapés mentaux. Il y en avait un particulièrement loin que tout le monde appelait le “légume”, avec qui il semblait ne pas y avoir moyen d’entrer en contact. Un jour, il est mort. Et cette amie m’a dit avoir réalisé après combien cet être rayonnait d’une présence particulière et qu’il a manqué à tout le monde après son départ.
    Un élément de plus… le rayonnement de la présence !

    Like

  11. La volonté, voilà une question d’une importance capitale… Mais cette volonté nous est-elle propre, n’existe-t-il pas une volonté qui ne nous permette aucune prise sur elle. Le parcours suivi par le phénomène “vie” semble montrer à quel point il existe une irréductible force qui pousse l’inerte vers un état de “conscience” supérieur. Tout semble se diriger vers ce point de conscience qui autorise à connaître le Monde, à cet instant se pose la question de savoir si le Monde ne cherche pas par ce biais à être connu, à être appréhendé… l’objectif ultime n’est peut être pas de “se connaître” pour exister mais de “connaître” pour exister. Dés cet instant nous constatons que cette Volonté dont il est tellement fait propos n’est pas de notre chef, mais du Monde qui cherche à être conçu par une autre conscience que la sienne. Nous ne sommes peut être pas les destructeurs d’un monde mais les sauveurs d’un autre, et l’existence se fondrait finalement dans ce salut.

    Like

  12. Je ne suis pas sûre de l’éternité des choses. Disons qu’il y a des chances pour qu’elles soient plus durables que moi. Ce que je dis est idiot. Naturellement qu’elles sont plus durables que moi. Mais je ne suis pas sûre du tout qu’elles soient éternelles. Et là, je touche à des questions qui me dépassent. Qu’y avait-il avant le big bang? Qu’y aura-t-il après la fin? Et cela a-t-il d’ailleurs une importance? Qu’est-ce que je peux faire? Qu’est-ce que je dois faire? Dans l’espace de vie qui m’est dévolu? Pour bien faire. S’il faut bien faire. Mais je pars du postulat que oui, (cela valant mieux pour moi et pour d’autres). Bien que là, je sois dans l’appréciation. La vraie question que je me pose, moi, en ce moment, si je veux être sincère avec moi-même, c’est que justement, comment vit-on quand on a cessé de croire en Dieu ? D’après ce que je lis, ici et là, on peut bien vivre. Il y a même des pensées, glanées ici ou là, qui me semblent d’une simplicité et d’une évidence confondantes. (Même si en moi-même, je commence tout de suite à les discuter – sans témoin). Mais qu’importe? La question est: comment vais-je vivre, si un jour, je dis tout haut que je suis athée ? Cela me donne le vertige…

    Like

  13. Mais si je m’en tiens aux mots de la question générale: “suffit-il de vouloir pour exister?” – Je répondrais, ‘exister dans quel “sens”‘ ? Je nais, j’existe. Je suis un mouvement, j’existe. Je fais des choix, que je crois personnels, et qui le sont, en un certain sens, j’existe sans doute autrement. Je cherche à exister en fonction de ce que je veux, de ce que je cherche (sans doute le bonheur, pour reprendre ce que j’ai dit ailleurs). Je suis partie sur un chemin, (je pense à un exemple bien précis, un choix posé quand j’ai eu un peu plus de treize ans), mais au moment où j’ai fait ce choix, je n’avais aucune idée de l’endroit où il m’amènerait. Je savais juste où je ne voulais plus être. C’est tout. Ce n’était peut-être déjà pas si mal que cela…

    Like

        1. Il faudrait que vous réalisiez que le fait de vivre est déjà un choix
          sinon, vous seriez morte depuis longtemps.
          Il faut admettre ce choix et le comprendre, en dégager les raisons fortes.
          Trouver pourquoi vous avez eu raison de choisir de vivre.
          Par rapport à cela, votre discours sur l’existence malgré vous
          n’est qu’une illusion dangereuse.
          Excusez ma franchise:
          je n’ai aucune sympathie pour le suicide…
          Au plaisir de vous lire,
          JPG

          Like

              1. Je souhaitais apporter l’éclairage de la maladie, à laquelle on ne pense pas forcément. Cela me semble nuancer la question. Mais peut-être suis-je “hors-sujet” ?

                Like

votre réponse: