Téter la mort : quoi de plus simple et de plus délicieux ? Il suffit que je fume pour que la mort me donne le sein. Pourquoi tant reprocher ma mort au tabac ? Ma propre mère, en me donnant la vie, ne m’a-t-elle pas condamné à mourir ? Qu’importe au fond que la vie me vienne de la mort, et qu’importe encore qu’elle m’y ramène, si je puis boire la vie au sein même de la mort ?
Je mourrai, certes. Et en fumant j’accélère ma mort. Mais je respire encore. Cette bouffée, la dernière peut-être, c’est mon souffle, mon âme. Jamais je n’ai senti à ce point mon souffle rare ; la difficulté d’inspirer comme un impertinent échec de toute expiration. La cigarette est la mort pure, la mort sûre, mais toujours seulement la mort au futur. Je jouis, en accélérant ma mort, du fait certain qu’elle est pour l’instant remise à plus tard. J’existe, je décide, je fume. Je savoure.
Ce n’est pas que ce soit bon. C’est plutôt âpre, comme un désir si longtemps retenu qu’il oublie jusqu’à la peau de son objet. Il y a là de la rudesse, car il n’y a plus d’espoir. Fumer consiste à jouir de sa mortalité.
Non pas profiter en mortel des joies d’une vie éphémère. Comme si la mort n’était qu’une pousse à jouir. Mais jouir de la mort même. De sa présence encore absente. De l’idée que je pourrais mourir, sans pourtant me tuer. De l’idée que je puis risquer ma vie, à petit feu. De l’idée que je puis, si je veux, la consumer, en un instant, ou en milliers de cigarettes. Car chacune est une pause pour la mort.
Éteignez bien les mégots. Car il y a dans la moindre étincelle toute une vie qui peut reprendre. Voire mettre le feu à la plaine. Ecrasez-les avec minutie. Et laissez-les pour les clochards : même dans la vie la mieux éteinte, il y a toujours quelque chose qui reste à fumer.
Grande fumeuse, que de plaisir de lire enfin une ode à la cigarette. Bien que je ne pense pas à la mort quand je fume, mais sentir la fumée emplir mes poumons me donne la sensation de respirer. Et de choisir ce que je respire, puisque le monde me donne un air pollué aux particules fines et moins fines, gaz mortels et autres saloperies. Cette fumée est la bienvenue sans penser que je tête, mais que j’avale goulûment cet empreint de parfum que je choisis. Fumer me prouve que je vis, et je lève la tête pour expirer les volutes de fumée bleutée.
Gene
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Qui sait quand on pense à la mort…
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Magnifique texte, merci !
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Je suis très attristée à cette lecture!
J’ai été fumeuse et mon envie de vivre m’a donné le courage, la volonté de cesser de m’étouffer quotidiennement. Cela fait plus de 12 ans et je respire tellement bien depuis. Comment trouver cela bon quand cela détruit toute chance de respirer pleinement et ainsi embrasser l’air avec passion, se sentir léger et véritablement heureux.
Et malheureusement tant que nous sommes dépendants d’un vice notre bonheur n’est qu’éphémère.
Ne prenez pas mon intervention comme une supériorité, mais je crois que là c’est encore se mentir à soi-même mais la lumière éclaire les âmes en quête d’une vie seine de corps et d’esprits. Je vous souhaite de le vouloir un jour et d’y parvenir.
Avec toute ma tendresse
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J’essayais simplement de comprendre,
Dieu me garde de juger!
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Merci beaucoup pour votre sollicitude.
Mais tout va bien , vraiment.
A bientôt, bonsoir
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jouir de la mort? la mort : quoi de plus simple et de plus délicieux ? Oui Chez les pendus il parait (désolée je n’ai pas pu me retenir:) bien sur le tabac est un fléau comme toutes addictions.je suis hélas fumeuse et j’aimerais bien ne pas l’être.Mourir nous allons tous mourir tous les cancéreux n’ont pas le cancer..mon frère est décédé après 10ans d’abstinence au tabac..le rêve de tout le monde est de mourir en bonne santé (excusez moi je suis d’humeur taquine ce soir…;) Bonne soirée à vous.
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J’ai failli écrire “jouir de notre mortalité”;
c’était plus précis, mais plus lourd:
on ne peut pas toujours tout avoir…
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Aimer fumer pour se tuer, c’est du suicide et c’est personnel. Grand bien vous fasse. Enfumer les autres et ne pas s’en sentir coupable, c’est soit de l’inconscience, soit de l’égoïsme. C’est un type de psychopathie.
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Parfois comprendre est plus utile que juger…
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Pas d’accord Monsieur Galibert je n’ai pas du tout envie de mourir bien au contraire .Les scientifiques cherchent toujours à nous faire vivre le plus longtemps possible..bon pied,bon œil oui je suis partante.malade j’attendrai la mort comme une amie .c’est évident.
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Mais je ne propose pas de fumer, pas plus que je ne dissuade, d’ailleurs.
C’est un choix personnel, mais surement pas sans motif.
C’est donc une chose à comprendre
La paix est à ce prix.
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Bien sur c’est bien compris:) Bel été à vous.
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tous les cancéreux ne sont pas forcément des fumeurs ..excusez moi dsl ..lapsus.
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Clope après clope je fume. À un train d’enfer. Je ne m’arrête qu’en gare, non par respect des voyageurs, mais parce que les escarbilles retombent mollement n’importe où, sans m’apporter la moindre satisfaction. Répit pour le gamin qui ne sait pas ce que veut dire “Nicht hinauslehnen”.
Trop tôt sevré des mamelles taries de ma mère, j’ai eu vite fait de la tromper.
Des copains me l’avaient présentée lors d’un week-end consacré comme tant d’autres au désoeuvrement. Une blonde sans faux col qui fleurait l’Amérique, joliment roulée. Lucky, ils l’appelaient. Lucky Strike. C’était à qui avait le plus la bouche en cul de poule, une technique qui ne s’obtient qu’à force d’entraînement.
Fumer est plus compliqué qu’il ne semble. Avaler la fumée et la rejeter par les naseaux après en avoir crépi les poumons est un jeu d’enfant ; prendre la juste pose du cow-boy désabusé est une toute autre affaire qui oblige à aller au charbon. Sachez-le : fumer demande assiduité et héroïsme, aptitudes dont les membres des ligues anti-tabac sont hélas privés.
Clope sur clope je fume, sans peur. Et ce n’est pas avec son haridelle que la Camarde me rattrapera si ce n’est pas l’heure.
La plaine rétrécit sous les nuages qui s’étirent. Je tâte mon paquet de Lucky Strike. Il m’en reste une toute dernière, aplatie derrière le bullseye défraichi. La dernière ?
Pataclope, pataclope. Que Jolly Jumper ne fume pas ne me contrarie pas.
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Dire ce que l’on vit, c’est tout un art,
et vous avez la chance de l’avoir
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Très très bien écrit…
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C’est marrant tout ce mal-être occidental et cet hygiénisme autour de la cigarette… En médecine chinoise, fumer du tabac permet de soigner certains maux liés, notamment, aux froids internes. Après tout, c’est une plante comme une autre, celà apporte de la chaleur au corps, il y a donc bel et bien des vertus. Depuis, j’ai pris le problème à l’envers : je considère donc que fumer me soigne, m’augmente, et ne me diminue pas : j’efface consciencieusement tous les messages de mort des paquets, quitte à mettre le tabac dans un autre contenant (je roule ou fume à la pipe). Après je n’ai jamais compris les excès et les addictions de ceux qui deviennent esclaves de leurs paquets : aimer n’est pas abuser. Mais peu importe, s’il y a bien un problème, c’est celui de la responsabilité personnelle : si je flingue ma santé de quelque façon que ce soit, en France, c’est la collectivité qui paye, donc il est facile de se déresponsabiliser. Par contre, ma famille et mon entourage subiront les conséquences morales de mon choix. Tant qu’on en est pas arrivés là, comment savoir ce qui va se passer ? A voir, donc.
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A reblogué ceci sur Coquecigrues et ima-nu-ageset a ajouté:
âme vaporeuse ! Bonne journée
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Merci beaucoup!
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c’st moi qui devait vous remercier de ce petit texte nicotiné pétillant !
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Savoureuse prose de Pierre Vaissiere! Adultes nous le sommes, non? fumer hors d’atteinte d’autres bronches n’engage que soi-même. Fumons si cela nous plaît, fumons des clopes sans additfs et sans pesticides, c’est mieux. Evitons les excès et l’embastillage de l’addiction névrotique et profitons. Sans les fumeurs, que seraient les rentes vieillesse, d’ailleurs? Quelques années de moins de dépendance envers nos enfants ou la société seront bénéfiques pour tout le monde.
Poème de Jules Laforgue:
Oui, ce monde est bien plat ; quant à l’autre, sornettes. Moi, je vais résigné, sans espoir, à mon sort, Et pour tuer le temps, en attendant la mort , Je fume au nez des dieux de fines cigarettes.
Allez, vivants, luttez, pauvres futurs squelettes. Moi, le méandre bleu qui vers le ciel se tord Me plonge en une extase infinie et m’endort Comme aux parfums mourants de mille cassolettes.
Et j’entre au paradis, fleuri de rêves clairs Ou l’on voit se mêler en valses fantastiques Des éléphants en rut à des choeurs de moustiques.
Et puis, quand je m’éveille en songeant à mes vers, Je contemple, le coeur plein d’une douce joie, Mon cher pouce rôti comme une cuisse d’oie.
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merci pour ce joli commentaire
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non je ne vois pas de différence à vivre de tabac que vivre d’espérance car l’un n’est que fumée et l’autre que vent..(sans doute G de St Amant..je crois)
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Je ne suis pas fumeuse. Cela n’empêche pas de lire votre texte bien écrit dans mon ressenti. J’ai vécu parmi les fumeurs et je pourrais mourir d’un cancer du poumon en tant que non fumeuse. N’empêche qu’avec l’air que nous respirons, la mort nous guette. Il suffit de voir les villes surpeuplées étouffer sous un brouillard infect. Ce ne sont pas les fumeurs qui nous ferons mourir, loin de là. Comme vous l’écrivez très bien, le choix est assumé.
De la génération du demi-siècle dernier, nous parlons souvent à la maison de la mort, absolument non taboue. Une réalité dans laquelle nous entrons dès notre naissance. De quoi faire demi-tour et retourner dans une forme de néant d’avant la conception. (clin d’oeil caustique de ma part, au vu de cette existence que je n’ai pas demandée.) Ne pas souffrir est notre seule demande.
La mort un écran de fumée dont nous en faisons tout un plat parce que c’est aller vers l’inconnu.
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