QUESTIONS D’INEXISTENCE (Entretien avec Mounir Bensalah)

<Mounir Bensallah :> 0- Pourriez-vous vous présenter au public marocain?

<Jean paul Galibert :> L’idée centrale de ma philosophie est l’inexistence, parce que je crois que la philosophie, de Parménide à Heidegger, a eu tort de considérer l’être et l’existence comme des donnés. Autour de nous comme en nous, on observe plutôt des choses qui ont beaucoup de mal à exister. L’existence est presque un idéal, elle est plutôt une exigence qu’un point de départ. Mon œuvre s’adresse à tous ceux qui ont du mal à exister : d’abord les pauvres, les subalternes, les invisibles , et finalement chaque humain, au fond, puisque l’on est humain à partir d’une faille, à partir de notre manière bien à nous d’être sans être.

1- Vous publiez  un nouvel ouvrage “Suicide et sacrifice” qui sort fin Novembre. Sur quoi focalise votre ouvrage?

C’est une introduction à la société de sacrifice où nous entrons. Car le capitalisme, dont nous sortons, restait un mode de production, tandis que l’hypercapitalisme, où nous entrons, est un mode de destruction. Son modèle de rentabilité est le travail imaginaire, par lequel nous ajoutons réellement de la valeur aux marques que nous adorons, et que nous acceptons de ce fait de payer nettement plus cher. Rien n’est plus rentable que cet hypertravail, car d’un côté  nous  travaillons pour une entreprise, et de l’autre nous lui versons la valeur de notre propre travail. C’est le premier travail payant. L’hypercapitalisme en conclut que le reste doit disparaître.

2- Dans cet ouvrage, vous dites : “L’invitation au suicide de la publicité a l’avantage d’être socialement sélective, car, pour ceux qui ont les moyens, elle fonctionne bien comme un ordre d’achat désespéré, mais pour ceux qui sont trop pauvres, elle fonctionne comme le spectacle permanent de l’existence qui leur est refusée, et donc une incitation permanente au suicide”. Vous ne trouverez pas ceci trop poussé? Comment l’expliquez-vous?

Le suicide n’est pas un but de notre société. Il a pour effet, et donc pour fonction, de plonger un grand nombre de personnes dans l’état suicidaire, où la mort est simplement envisagée, comme en toile de fond. J’analyse dans le livre les discours, les stratégies, les technologies, les pratiques sociales qui nous entretiennent dans cet état. On obtient ainsi des gens prêts à tout accepter, à tout acheter, à tout imaginer, plutôt que de mourir. Je crois qu’on imagine mal la violence du spectacle des publicités, des séries, des films dans des milieux ou à des âges où l’on ne peut en aucun cas envisager les achats correspondants. La délinquance et le suicide me semblent être des réactions à cette violence dont le propre est de nous désespérer, puisqu’elles nous montrent que nous n’avons plus aucun autre espoir que l’achat du produit. Il faut ici discerner la menace implicite, comme dans tout ordre, et c’est bien celle du suicide. Même chose lorsqu’on cherche à mesurer la rentabilité des personnes. Et pour finir, nous assurons nous nous-mêmes la diffusion de l’état suicidaire, en déniant l’existence aux autres, à chaque manque de respect. Mais la plupart des personnes ne se tuent pas, et ne tuent personne. La plupart des gens augmentent au contraire leur dose de spectacle. Ils y sacrifient peu à peu la totalité de leur existence. Ce qui est contagieux, c’est le rien, le manque de vécu. C’est très concret, le sentiment d’inexistence.

3- Dans votre œuvre “Invitations philosophiques à  la pensée du rien “, vous parlez justement de votre théorie de la “pensée du rien”. Pourriez-vous l’expliquer à nos lecteurs?

Le rien, c’est tout ce qui existe, et qui pourtant n’existe pas. J’ai l’impression que c’est à peu près tout. Parce qu’il y a plusieurs façons d’exister sans exister. Il y a la manière de l’être, qui consiste à rester idéal, la manière du néant, qui consiste à détruire, la manière du monde, qui est de rester imaginaire, et celle du réel, qui est certes tout à fait matériel, mais absurde, dépourvu de tout langage. Je crois qu’à peu près chaque chose, à commencer par nous-mêmes, combine ces quatre sortes de rien. A partir de là, tout est contradictoire, et l’existence devient un  art difficile.

La suite de cet entretien est à lire sur:

http://mounirbensalah.org/2012/12/04/jean-paul-galibert-auteur-de-suicide-et-sacrifice-il-me-semble-quil-est-impossible-de-laisser-lislam-aux-islamistes-radicaux-cest-le-combat-d/

7 thoughts on “QUESTIONS D’INEXISTENCE (Entretien avec Mounir Bensalah)

  1. Je reconnaîtrais plus facilement le mot “auto-destruction” que suicide. Le suicide se faisant d’un coup en tâchant de ne pas se rater, et l’auto-destruction se faisant sur le long terme, en parcourant les méandres des âmes humaines, y compris la sienne…

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  2. Un art la vie? Un art imposé alors..je crois que c’est l’instinct animal rien d’autre qui nous fait vivre et, autour de tout cela ,nous y mettons des sentiments pour nous faire croire en la vie ,en nôtre humanité..alors cela veut dire que sans les autres nous n’existons pas..Cette non existence mon orgueil imbécile ne veut pas s’y soumettre …

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