Tout est vrai, donc, quoique je dise de mon monde, pour peu que je n’étende pas ces propos à l’ensemble du réel.
Tout est vrai dans le monde, en ce sens que n’importe quelle phrase est vraie au moins dans le monde où elle est vraie, tout comme Alice vit vraiment au pays des merveilles. Tout est faux, en ce sens qu’on ne saurait réduire le réel à quelque monde que ce soit. Tout est vrai dans le monde, tout est faux dans le réel. Quant à la vérité elle-même, elle est dans l’être.
Dès lors, mon monde, si vaste soit-il, n’est jamais qu’un sous-ensemble plus ou moins étendu du réel, circonscrit par mes mots. Il suit qu’il est toujours réel, sans jamais être le réel, puisqu’il se borne d’emblée à ce que j’accepte de considérer. Libre à moi de définir mon monde comme je l’entends. Libre à moi de ne retenir du réel que ce qui me plait ou me ressemble. Il n’y a pas là d’affirmation, mais une simple décision : celle d’oublier tout le reste du réel.
(Extraits de : Jean-Paul Galibert, Invitations philosophiques à la pensée du rien, Léo Scheer, 2004).
Et la philosophie ? Qu’est-elle ?
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A l’époque où j’écrivais ce texte,
je pensais qu’elle visait la certitude,
quelque chose comme une vérité
dans tous les mondes possibles.
Mais elle peut aussi viser
une vérité plus décevante,
qui ne serait vraie
dans aucun des mondes possibles.
autrement dit
vrai et faux sont une même chose:
ce qui n’est vrai que dans un monde.
Le certain est vrai dans tous
ou dans aucun,
c’est à dire qu’il n’est vrai que dans le réel.
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La théorie se retire le droit d’être une théorie précisément parce que ce qu’elle théorise se vérifie. Faut il en conclure qu’elle n’est pas une théorie ? Quel statut lui donner ? Admettre qu’elle n’est rien de plus que ce qu’elle permet de voir, n’est ce pas nier qu’elle le permette effectivement ? Car si elle n’est rien de plus que le reste, si elle n’échappe pas aux lois qui pèsent sur tout le reste, ce n’est qu’une fois qu’elle a elle même établie ces lois qu’elle peut l’affirmer.
Sans (vos) textes, y aurait t-il seulement (le) un réel ?
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Oui, clairement: sans théorie, il y aurait bien un réel
D’abord parce que c’est vrai
ensuite parce que nous savons bien que c’est vrai
et enfin parce que c’est logique:
toute notion d’illusion, ou de critique,
suppose un réel de référence.
Paradoxalement, peut-être,
mon maître en réel fut Kant,
qui n’en dit jamais rien
mais qui conçoit toute son oeuvre
pour mesurer notre élaboration du réel
et donc le protéger de tout arraisonnement.
L’autre question, que vous nommez “théorie”
et qui cherche une connaissance du réel,
est évidemment plus difficile
si le réel n’est pas
d’avance conforme
à la raison.
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Pouvez vous y répondre tout de même ?
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Si le langage est bien ce qui transforme le réel en monde, La théorie risque fort d’être un discours comme un autre, capable au plus de former un monde plus vraisemblable. Si l’on veut davantage de réel, ou le réel tel quel, il faudrait logiquement prendre une voie inverse : au lieu de rajouter des mots par la théorie, il faudrait en enlever : se demander ce que serait le réel tel quel, sans les mots. Penser, si l’on veut par là approcher le réel, cela doit être enlever les mots. J’ai rêvé d’une vérité fondamentalement déceptive. Peut-être les théologiens négatifs ont-ils beaucoup dit du réel. Non que Dieu soit très réel ; mais ils ont formé, pour penser le respect immense dû à Dieu, tout un art d’ôter les mots pour toucher le vrai.
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Que penser des artistes, dans ce cas ? Quel lien entre les écrivains et le réel, par exemple ?
le langage, n’est ce que des mots ?
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Les artistes ouvrent des mondes
en plastiquent d’autres
parce qu’ils allient
l’être et le réel
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