La pantopie, c’est n’importe où passe ou s’entasse n’importe quoi. Lieux de flots, lieux de flux, lieux de passage. Mais aussi, lieux de tas et d’amas, comme des galeries, des décharges, des musées, des placards, des caves, des greniers. C’est le grand lieu du bris et du collage. Le vrai lieu de naissance de la plupart des idées. Imaginez Flaubert dans son gueuloir, Darwin dressant, dans la forêt vierge, l’arbre généalogique des espèces les plus improbables, Marx suivant les linéament labyrinthiques du capitalisme, Freud et Sherlock Holmes analysant les brumeuses ruelles de Londres, où Durutti face au bordel que pouvait semer chacun des membres de sa fameuse colonne. Sans compter Picasso, en short, au milieu des dessins de sa journée, chacun daté, à la minute près.
La pantopie, c’est le lieu de tout, le fourre tout, le vrac, l’incontrôlable, le lieu où tout est possible, tellement possible que tout est déjà là. Car tout peut y arriver, puisque tout est là. Tout y est en vrac, certes, et en désordre aussi, mais justement : tout est là avec un hasard tel que toute connexion est possible, au point que n’importe quelle idée peut toujours se former, comme quelque raccord imprévu entre tel ou tel machin ici bas chu avec n’importe quel truc manifestement là pour rien, et de ce fait même disponible pour tout le reste. La pantopie est ce lieu d’improbable où tout est là pour donner des idées, comme des meutes de nuages, et les chauffer à blanc, comme des feux d’artifices assez vifs pour éveiller n’importe qui. Ou n’importe quoi. Car dans un tel tas de hasards incongrus, même des menottes se libèreraient.
Alors que l’utopie n’a lieu nulle part, la pantopie pourrait avoir lieu partout.
Alors, s’il vous plait, citez-moi des exemples précis…
Je n’en ai pas, tant pis.
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J’ai du mal à vous croire.
Vous n’avez ni ne voyez vraiment aucun lieu pour tout entasser?
Aucun de ces lieux où figurent toutes les choses, toutes vos choses?
Aucune étagère, aucune poche, aucune poubelle, aucune boite?
Dites-moi que c’est secret, si vous voulez,
mais pas que vous ne pensez à rien.
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Bon jour,
Je pense à un vide grenier par exemple … 🙂
Max-Louis
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Excellent!
C’est une pantopie résultante,
comme un fleuve pantopique
alimenté par tout ce qui déborde
des pantopies de chacun
et regardez, vérification délicieuse,
le plaisir de chacun à fréquenter
la chose des choses
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Tout point de l’univers étant dépendant de tous les autres
(la science l’atteste)
Tout point de l’univers est une pantopie
n’est-il pas ?
—
Si vous me faites procès de ce propos
je plaide pour obtenir … un non lieu !
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Surtout avec la théorie des cordes!
Si la plupart des dimensions de l’univers sont enroulées dans le point,
chacun d’eux contient une bonne part du ou des univers…
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https://lmblamaisonde.wordpress.com …
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Merci du lien
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Une île déserte: il n’y a plus rien, ou il n’y a rien encore, tout est possible.
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Un tas de rien?
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non, un tas de tout possible
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Joli! … et infini encore, non?
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une langue étrangère (ou pas)
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Le thésaurus
de tous les tas
de tous les sens…
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1,2,3,4,5,6,7,8,9
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Pourquoi s’arrêter en si bon chemin?
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Parce qu’ensuite, il n’y a plus qu’à combiner. Facile.
Mais infini.
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“facile mais infini” !, j’adore…
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La bibliothèque de Babel
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Mais laquelle?
Le lieu de toutes les langues,
ou celui de tous les livres?
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Un cauchemar impliquant le navire démâté, les cieux déchaînés, le vent libéré, les vagues échevelées, les embruns marrons, les gouttes déroutées, l’étrave entravée, les écoutilles fermées par des boules Quies, l’horizon barré, Jupiter masqué (il est vrai que le Vendée Globe n’est pas encore fini)…
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Ni jupiter…
Je mets un petit j
parce qu’il ne faut pas exagérer, tout de même!
Il a un petit côté Napoléon le petit
si on le voit depuis
l’espoir
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L’ile Des détritus de plastique située quelque part où les pollueurs du Nord ne vivent pas, me parait un bon exemple.
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Surtout si dans l’avenir l’on en écrivait l’histoire point par point,
comme celle d’un miroir global de nos gestes et de nos vies…
Peut-être qu’elle seule nous survivra…
Peut-être avons nous besoin
de ce genre d’images
pour réagir
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Si la PAN-topie est le contraire de l’U-topie
alors
la condamnation de tous répond à la commande
elle est précisément
le contraire du NON-LIEU
——————————————————————–
Ceci dit
il me semble que
dans l’absolu
On parle beaucoup ici de
πολυτοπία (POLY-Topie) davantage que d’Utopie
Cependant on peut subjectivement accepter toutes ces propositions.
C’est au niveau relatif de l’individu (de sa conscience)
que l’on peut dans l’instant
le voir submergé par un lieu
qui envahit son esprit au point d’occulter le reste du monde
par exemple
dans le cas évoqué par Marie-Christine Grimard
effectivement
en face de “L’île Des détritus de plastique”
on peut avoir le sentiment que
l’univers entier est recouvert
et se réduit
(comme avalé par ce “trou noir”)
à
ce lieu de désolation.
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Je ne suis pas sûr de tout comprendre.
Pour simplifier, je propose d’appeler pantopie
la bonne utopie: celle qui accepte tout
(sauf ce qui détruit tout le reste)
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Lautréamont aurait sans doute pensé que cette question est belle “comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie !” (^_-)—☆
Et André Breton l’aurait sans doute trouvée surréaliste :p
De par sa définition même, l’univers – qu’il soit fini ou infini – est une pantopie.
Pour un panthéiste comme Spinoza, Dieu est une pantopie.
Être est une pantopie car tous les êtres et toutes les choses sont. Ceux et celles qui ne sont plus ont été. Peut-on être et avoir été ? Et ceux et celles qui ne sont pas (encore), seront-ils un jour ?
Internet est une pantopie : on y trouve tout et souvent n’importe quoi. Mais il risque de ne pas le rester si le principe de la neutralité du Net est abandonné.
La mémoire biologique est probablement une pantopie de ce genre : nous ne cessons de naviguer d’une pensée à une autre par association d’idées dans un processus la plupart du temps non maîtrisé, et souvent ces associations en font émerger de totalement nouvelles.
C’est sans doute pour cela qu’on parle d'”idées fécondes”, comme si en s’accouplant avec d’autres, elles étaient capables de donner naissance à une lignée.
Tsunamis, tornades, cyclones, crues torrentielles, tremblements de terre, etc., la nature, quand elle est en colère, crée des pantopies. Tout se retrouve pêle-mêle, souillé, détruit et inutilisable. Il suffit de voir l’état des lieux après la catastrophe pour s’en rendre compte.
Le pouvoir créer des pantopies, par exemple lorsque des gens très divers avec des revendications parfois diverses et contradictoires descendent dans la rue pour manifester. Révolutions, pillages et guerres produisent aussi des pantopies matérielles, sociales, humaines. Entre deux ordres, le chaos. Mais le chaos, est-ce tout ou n’est-ce rien ?
La société de consommation génèrent d’immenses pantopies, lieux où se retrouve emballages, résidus de ce qui a été consommé, ou objets simplement “déchus” qui deviennent eux aussi déchets, à moins que de plus économes, de plus ingénieux ou de plus miséreux s’en emparent pour leur donner une seconde vie. De ces déchets les humains font des montagnes à ciel ouvert, à moins qu’ils les enterrent dans des fosses communes dont les écoulements viendront polluer les nappes phréatiques. La nature en a fait un sixième continent au milieu de l’océan. Je te salue moi aussi, vieil océan !
Remarquons qu’il ne suffit pas que tout soit là et que toutes les connexions soient possibles pour qu’elles aient réellement lieu. Prenons le RER A aux heures de pointe par exemple : la sonnerie retenti, les portes se ferment, on est tassés comme des sardines. Tout le monde est là (c’est clair ! On peut difficilement imaginer qu’une personne de plus puisse monter, à moins de s’accrocher au plafond du compartiment avec des ventouses, comme une mouche). Et pourtant il y a très peu de connexions entre les gens parce que pour la plupart ils ne se connaissent pas. C’est donc un moment de grande solitude humaine si on voyage seul et qu’on observe le monde, car tout le monde ou presque est “ailleurs” : dans ses pensées, dans sa lecture, endormi si on a la chance d’être assis, avec des écouteurs pour se couper du monde, sans doute bientôt avec des casques à oeillères Panasonic pour ne pas voir la tronche du voisin – cet inconnu, cet étranger -, connecté à son smartphone, déconnecté du monde.
Entre tous ces gens pas de connexion, pas de réseau. Sauf celui-là qui est Express (faut le dire vite : un rien peut le paralyser pendant des heures…) et Régional. Vite ! S’abstraire soi aussi de ce monde pitoyable, et replonger avec délice dans la profusion de sa pantopie intérieure.
Donc contre-exemple : le RER A aux heures de pointe, c’est juste du temps entre deux lieux ; ce n’est pas une pantopie, c’est une atopie. De quoi développer une allergie aux transports… :p
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Grand merci pour cette analyse.
Le RER est un exemple de pantopie, certes,
mais bloqué quant au but par une mauvaise digestion des interdits bourgeois,
qui pourraient assez bien se résumer en une injonction globale: ta gueule
(ou en plus poli et complet: reste dans ton coin, ne bouge pas, ne parle pas, et consomme.)
Mais l’insupportable même de la chose est ici ce qui permet encore d’espérer
quelque sursaut, ne croyez-vous pas?
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Le seuil des paysages définitivement.
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Aussi beau qu’elliptique.
J’aimerais en savoir plus.
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« Au seuil du paysage » est le lieu du flux géographique entre deux espaces ; l’expression d’une circulation où la différenciation spatiale favorise l’organisation des éléments visuels afin d’enfanter un troisième lieu encadré. L’incubateur à images, la boîte qui contient l’oeuvre dans ses limites, puisant ainsi dans l’infini, car l’art visuel à besoin du cadre pour toucher à l’invisible.
Selon ma vision du seuil, le lieu en dehors du lieu, mon ectopie du paysage ; se nourrit de la symbolique japonaise du pont ; séparation du ciel et de la terre, celui par laquelle se forge l’image du monde flottant, sujet de l’ukiyo-e ; que je traduis par la séparation où se forge l’image du monde invisible. De part mes mythes internes, je qualifierai également ce seuil de limbes créatives.
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Merci pour ce beau texte
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C’est moi qui vous remercie, cela m’a permis de mettre des mots sur le flou de mon travail.
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Et c’est mieux avec les mots, ou sans?
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Le sans permet l’intuition, les mots mettent de la dentelle sur elle. Je dirais que les mots sont possiblement vos fameux rebords, cette idée de longer le seuil.
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C’est très beau; j’y penserai
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Très précisément le mètre carré devant la fenêtre de mon salon bureau est de cet ordre. C’est exactement l’endroit du fourre-tout des idées auquel vous faites allusion. Pourquoi ce lieu-là et pas un autre ? Je l’ignore mais il suffit que je déambule là et cela s’incarne, alors qu’ailleurs cela ne marchera pas. Certains eux où je marche, bord de rive, sentier sont de cet ordre, à un mètre près tous se déconnecte se libère devient foldingue et le reste tombe. Je ne sais pas être plus précise mais ce que vous écrivez me parle de cela.
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J’adore votre mètre carré: si chaotique, si précieux et si … précis!
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Je crois avoir rangé tous ces possibles quelque part dans ma tête. Je les sors de temps en temps dans un désordre à rendre jaloux une collision de particules!
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