Le suicide offensif, stade suprême de l’hypercapitalisme

Rares sont les groupes ou les sociétés qui fondent leur existence sur le suicide de leurs propres membres. En fait il y a un groupe, Daesh, et une société, la notre. Il faut prendre Daesh comme une loupe pour comprendre l’hypercapitalisme. Daesh n’a pas inventé le suicide, ni même le suicide offensif[1]. Elle a juste eu l’idée de le vendre à ceux là-mêmes qui l’ont produit. L’hypercapitalisme est prêt à racheter, même très cher, l’image du massacre provoqué par le suicide de ceux qu’il refuse de payer, même très peu, dans la réalité.

Les cadres de Daesh ne sont pas plus des chefs d’armée, que des militants terroristes : ce sont des commerciaux. Plus précisément des négociants du suicide, spécialisés dans l’importation des suicidaires et l’exportation des images de suicide. Mais Daesh ne produit pas les suicidaires, pas plus qu’il ne distribue les images des suicide.  La production industrielle des suicides et leur distribution médiatique, sont assurées directement par l’hypercapitalisme, dans les pays riches eux-mêmes.

Comment cela est-il possible ? C’est parce que nous avons changé de monde sans nous en apercevoir, nous qui continuons à lutter contre le capitalisme, sans voir qu’il est déjà supplanté par un autre système économique, l’hypercapitalisme. Or, cela importe pour le monde entier, parce que l’hypercapitalisme n’est pas un nouveau mode de production, mais le premier mode de destruction. Sa logique et ces capacités d’anéantissement sont telles que l’humanité tout entière devra s’unir, au delà de ses divisions, sous peine de disparaître dans sa quasi-totalité.

[1] Dès 1994, Haneke fait un film, 71 fragments d’une chronologie du hasard, sur un étudiant qui vient de tuer, sans motif apparent, plusieurs personnes lui étant totalement étrangères. C’était 7 ans avant le 11 septembre, 9 ans avant Elephant de Gus Van Sant, et 12 ans avant Daesh.

(Ce texte est l’introduction d’un article à paraître dans la revue Les Zindignés, sous le titre “le mode de destruction hypercapitaliste”. Que Paul Ariès en soit remercié.)

8 thoughts on “Le suicide offensif, stade suprême de l’hypercapitalisme

  1. Mais ils n’importent pas, ils créent aussi là où ils sont. Est-on certain que ce commerce-là n’ait pas d’autre fondement, que toute forme de société ne produirait pas sa argaison de suicidaires ? Le modèle occidental est-il le seul coupable désigné si commodément parce qu’il en faut un ? Je ne suis pas convaincue.

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    1. Je ne parle pas de modèle occidental.
      Je parle de cette antiéconomie mondiale, qui triomphe en Russie ou en Chine aussi bien qu’en Inde ou aux Etats-unis, et qui repose sur sur le proportionnement de toute forme d’existence à son degré exact de rentabilité, avec cette conséquence, visible partout, que le moins rentable, être humains inclus, doit disparaître.
      Il y a des prix qui tuent, autant que des licenciements. Une personne sans emploi se voit jetée, comme un objet sans emploi. Toute existence, aujourd’hui, se voit menacée: qui es sûr d’être toujours, et entièrement, rentable?

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      1. Bonjour, “Tout le monde profite de tout le monde…” “Nous sommes tous responsables, de ce qui se passe sur notre planète, dans notre pays, devant notre porte…” Chaque individu poussé vers la consommation matérielle, désire gagner plus que l’autre, surpasser son collègue… Pour certains, ils seraient capables, s’ils ne l’ont pas déjà fait, de vendre leur âme au plus fort, au plus vil.
        “Le mieux-vivre ensemble,” ce doux rêve intérieur qui me tient debout, confiant, observateur, me permet de réfléchir et de ne pas désespérer. Mais je ne suis pas dupe !
        Je ne suis pas preneur, ni acheteur des actualités chocs, ni des émissions en boucle, où sont projetés des images d’horreur, de morts, de guerres, de déplacements de populations, ailleurs…
        Comme vous dites, Monsieur Galibert, tout cela est un commerce sordide, funeste, criminel à l’intention des pays riches. Tout cela malheureusement a un but bien précis.
        Très discrets physiquement, les commanditaires de l’hyper capitalisme monstrueux, tous ceux qui se laissent entraînés, à exploiter ces thèmes là, peuvent continuer d’inventer tous les moyens, les machines, pour nous surveiller, nous faire peur par les attentats sanglants un peu partout dans le monde… Mais, ils vont trouver face à eux, des êtres volontaires, contraires “aux suicidaires” sans cervelle, pour redonner courage et espoir, pour informer qu’une autre évolution est possible. Ce qui doit nous laisser éveillés, attentifs, consiste au fait que tout individu qui au fond de lui, se juge responsable dans la société, de sa famille, de lui-même, se dresse sur le champ, pour donner son opinion quelle qu’elle soit. Il suffit de plusieurs millions de voix, (votes,) pour permettre le changement. Mais le voulons-nous vraiment ? Puisqu’à chaque fois, nous nous laissons guider, puis posséder. C’est là, que nous devons penser :”Qu’est-ce qu’on va faire des autres ?” “Qu’allons-nous faire des autres ?” “Tous ceux qui ne sont pas comme nous, ne pensent pas comme nous…”
        Contrairement aux fournisseurs de l’hyper capitalisme, qui eux, ne pensent qu’à leurs propres buts, s’enrichir, sur le dos, la faiblesse et la misère des autres, nous devons nous ouvrir aux autres, pour ne pas nous perdre un jour.

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  2. Belle réflexion sur l'”hypercapitalisme” qu’il faudrait peut-être appeler d’ailleurs “hyperlibéralisme”, puisque le mot “capital” (au sens marxien du terme) n’est jamais utilisé par ses adorateurs et metteurs en ordre.

    Daesh est un symptôme produit par cette société mais ne peut pas être mis sur le même plan : son idéologie se veut justement “anticapitaliste” et emploie les moyens extrêmes (après les avions d’Al Quaïda à NYC, les kamikazes à Paris ou à Barcelone, Londres, etc.) pour penser arriver à ses fins. C’est l’entreprise de l’islamisme extrémiste, contré sur le terrain de l’improbable “khalifat” mais qui essaime, comme un virus sans vaccin connu, à l’intérieur même des pays luttant contre lui.

    Le “suicide offensif”, qui pourrait ajouter une catégorie au livre de Durkheim, c’est la destruction imposée par le chômage distribué, la misère étendue, l’épuisement de la nature par la pollution généralisée, la richesse déployée de manière éhontée avec ses “paradis” fiscaux que l’on “découvre” soudain innocemment.

    Seule une prise de conscience politique (et philosophique !) des citoyens pourra s’opposer aux décisions irresponsables prises par des Chefs d’Etat (du genre Trump) qui nous mènent à la catastrophe inévitable.

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  3. “La humanidad entera deberá unirse, más allá de sus divisiones…” o casi desaparecerá. Poco margen para el optimismo.
    Mais, je suis d’accord avec vous.

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