Un des indices les plus sûrs de l’existence d’une puissante et constante répression de la philosophie est le zèle convergent et inlassable avec lequel les meilleurs esprits en contestent l’existence:
Protagoras a-t-il vraiment été poignardé ? N’a-t-il pas été plus simplement victime d’un accident de bateau ? Qui dit, au fond qu’il ait été exilé, et ses livres brulés ? Socrate est-il vraiment mort de la cigüe ? N’avait-il pas plutôt quelque rhume, qui l’aurait emporté ? Et, au fond, Socrate-a-t-il vraiment existé ? Et le fameux Aristote? Comment croire qu’il ait pu être interdit ou exilé? Les inquisiteurs ont-ils vraiment torturés les cathares, ou bien ont-ils au contraire sauvé leur pensée en la reportant scrupuleusement dans leurs fameux registres ? Qui nous assure que Descartes ait été surveillé ? Ses déménagements perpétuels et strictement secrets ne peuvent-ils tout simplement résulter de son goût des voyages ? L’assassinat de Jaurès, la mort en prison de Gramsci, la révocation de Russell, les suicides de Simone Weil, Wittgenstein, Turing, Debord, Deleuze, ne sont-ils pas autant de légendes par lesquels les philosophes assurent leur autopromotion ?
Osons donc poser une nouvelle fois la question qui fâche : la philosophie est-elle mortelle ?
Et osons enfin répondre par cette vérité qui dérange tant : la philosophie a toujours été, est et sera toujours mortelle pour ceux qui la pratiquent effectivement comme une activité libre. En revanche, bien sûr, elle sera toujours prestigieuse et lucrative pour ceux qui en font commerce et en bénéficient comme d’une rente de situation.
Les philosophes officiels ont les honneurs, les postes, les publications, les colloques et les compte rendus. Ils débâtent, ils se citent, ils s’invitent. Leurs noms sont sur toutes les lèvres. On les connait si bien, et ils ont l’air globalement si calmes et réjouis qu’on les perçoit à bon droit comme des nantis qui ne subissent à l’évidence aucune répression.
Les philosophes libres sont moins perceptibles. Bien souvent, ils n’ont même rien de visible. Car aujourd’hui la répression est adventice : on ne brule plus de livre, on se contente de refuser un manuscrit, ou plus subtilement, de ne faire aucun compte rendu. On ne révoque plus, on se contente de ne pas accorder de poste.
La peine de mort pour le philosophe a pris la forme d’une condamnation à l’invisibilité, d’une assignation au silence. « Pensez ce que vous voulez, mais vous n’existerez pas».
Entre cette forme d’inexistence et la mort, il y a une passerelle trop souvent empruntée pour être négligeable : le suicide. La suicide est la forme suprême de la répression car le système qui vous pousse au suicide obtient votre mort en vous en laissant l’entière responsabilité.
Ne me dites plus jamais que l’on ne risque rien en philosophie.
A reblogué ceci sur betadeuxdoset a ajouté:
la philosophie est-elle mortelle ?
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merci beaucoup!
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La philosophie est peut-être plus que mortelle : elle est morte
(à l’exception de celle que je pratique qui attend le bon moment pour casser la coquille et sortir de l’œuf pour jeter hors du nid tous ceux qui y paillent)
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Nous sommes tous exposés à prendre nos désirs pour des réalités…
La philosophie, pour sa part, a échappé à tant de persécutions
que je la croirais plutôt éternelle…
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Je comprends mieux l’ancien (et le nouveau) titre de votre blog.. Ou plutôt, j’en ai saisi un nouveau sens 🙂
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C’est à prendre dans tous les sens…
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penser librement me semble dangereux dans tous les domaines universitaires de nos jours. Merci de nous le rappeler.
Sylvie G
http://poesievisuelle.wordpress.com
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I agree. But isn’t it exactly this ‘morbid’ or ‘pessimistic’ aspect of philosophy that leads to the understanding and the relativism of the absurdity of the so-called ‘real’ world that use(d) to bother in every day life and that way make you actually feel more free?
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perhaps freedom will be the equal opportunity of good and evil…
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🙂 d’où vient l’idée de la Résistance, 😉
cette abolition de la Pensée rend à la Sphère tous les hommages, mais oublie l’irréparable qu’est l’ignorance…
et devant tant de “suicides littéraires” de Vies philosophiquement bienfaitrices, nos Civilisations se meurent, s’éteignent sans Lumière, sans Espoir, et vont dans la décadence de l’inconscience….avec son insouciante raison..: le Pouvoir..
aujourd’hui, le virtuel nous sert, nous comble, et devient l’Ultime recours en contre-pouvoir, que la Sphère ne peut y déroger sans se blesser…
les esprits d’aujourd’hui, sont les mm qu’hier, en file indienne, démarqués de chaque côté, avec un atout majeur : l’histoire se répète encore et encore… et la révolte sous-jacente est au Cœur de l’Homme devient éclatante…sans hasard…
tous les Êtres qui s’élèvent et ensorcellent de leur Savoir faire et Dire construisent un Mémorial Universel et véhiculent la véritable Histoire..
notre Mémoire….
les autres ne sont que des chapons qui tournent en rond, sans msg pour les autres, ou juste pour les asservir…… 🙂
pardon de mon ressenti, si cela n’a rien à voir, mais oui la Philosophie est éternelle….et le restera et si j’émets un Dieu merci, c’est qu’il en est ainsi… Elle porte la Vie.. 🙂
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La philo siphonne la folie sophiste
Quant la vision au delà des pontes
Des ânes, des années et des phasmes…
Annihile les cieux pour le vil macadam.
Alors quel césame? Où quelle piste?
Si le risque déconne sur les contes
L’Hosanna aux yeux des anagrammes.
Il est un modem pour les maux d’âmes
Le Verbe vous câble sur les copistes
Cantés par la Kaballe. Quelle honte!
Mais la résine des phonèmes résonnent
Le vocable s’incarne par la Madonne
Donc le mot se file en langue d’artiste
Sous le disque solaire des archontes
Gnosant les gnomes et leurs racines
Invisibles. La belle Babylone s’imagine!
Les Immortels sont toujours linguistes
Quand tiendras-tu le mal, le bien pour compte
Par la pure raison indémodable des mots
Et leurs définitions sonnent pour mémo.
Si tu ne comprends. Ne sois pas triste!
Les moutons irons toujours à la tonte
La mort est notre pâtre qui vit en l’Homme
Tous apprentis sages devant la pomme.
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Bon, disons
que je me sens un peu mouton…
Mais quel plus beau défi, au fond,
que d’amener les moutons à quelque insoumission?
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Les moutons ne sont que des bêlants
Demain, on peut tout aussi bien leur dire
Que le fruit défendu était une orange
Cela ne changera en rien leur nature.
Sans vocabulaire point de philosophie
Pour apprendre l’amour de la sagesse
Cela nécessite un minimum de langage.
L’immortalité est un objet comme un autre
Le vivant ne peut échapper à la mortalité
Comment échapper à ce déterminisme
Que la nature impose irrémédiablement?
Alors on se questionne, encore et encore
Et l’on oublie que la première des vérités
C’est la mort. Et le monde feint de l’ignorer
A cela si l’on ajoute la brièveté de l’existence
Qui est une notion complètement occultée.
Comment voulez-vous que l’humanité évolue?
Si elle n’assimile pas la première des vérités.
C’est bien parce que l’enseignement fait défaut.
La vie c’est juste un claquement de doigt
Une goutte d’eau dans l’océan de l’infini.
Juste le temps de n’y rien comprendre
Pour regarder dans le rétroviseur des regrets
Alors pendant ce temps là des paroles
Sur tout sur rien et n’importe quoi
Style: La transcendance est un concept
Sensible qui nait tel un phénomène
Selon l’intuition des sensations pures
Que seul l’empirisme pet approuver!
Waouh!!! Le mouton rebêle. Je suis tondu
Et allez en avant, Allez, on y retourne
La philo siphonne la folie sophiste
Quant la vision au delà des pontes
Des ânes, des années et des phasmes…
Et si tu ne comprends. Ne sois pas triste
Rien n’équivaudra la vie des artistes.
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C’est décidé: je préfère les moutons.
Plutôt tondu que méprisant.
Bonsoir
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Je n’aime pas les sophistes mais je n’aime pas les moutons non plus même s’ils viennent d’Arcadie.
De tout ce que j’ai vu et rencontré il n’y a que Jonathan Livingston qui m’a émerveillé.
Je doit un peut-être un peu Goeland avec les ailes un ange déchu qui n’a pas fini son initiation.
Bonsoir! Et encore merci pour vos publications qui sont tels des moteurs à propulsion artistique.
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🙂 M. Galibert, vous n’êtes ni mouton, et encore moins méprisant malgré votre “instruction” et cela donne de la Hauteur à votre Honnêteté de partager humblement la Philosophie, avec ceux qui l’ont connu que dans la “rue” sans vocabulaire, et dico, mais l’ont parcouru juste avec leurs coeurs sincères, et leurs actes en rébellion sur leur dos…
en aidant à sortir ceux qui sont dans la sphère, tournant en rond, sans espoir… de se Voir…
aussi, votre Thématique est généreuse, nous offre à Tous des débats personnels, qui sont si universels, qu’il devrait nous faire réagir et “Surgir” une Sagesse essentielle, seul Espoir aux communs des mortels….
ceci n’est ni une flatterie, ni une promotion, elle est Juste à sa Place, une Vérité personnelle, et bien loin des Communautés des historiens ou autre du temps passé, n’ayant aucun diplôme à vous délivrer …n’ayant aucun galon, sauf ceux du Haut… lol…
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A veces podemos creer que estamos en un callejón sin salida porque vivimos lo que pensamos, nos jugamos por nuestras ideas. Esta coherencia entre lo que pensamos, hacemos y decimos, nos hace cuestionar estamentos de la realidad social. Solamente se sale de la creencia apocalíptica con mayores y mejores ideas, y sus prácticas.
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depuis que j’ai lu “Présentation de la philosophie” d’André Compte-Sponville, je me sens plus “légère”… 🙂
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