L’impossible est-il réel?

L’humanité ferait un grand pas si elle se décidait enfin à ranger l’impossible parmi les possibles, et en inscrivant sur ces drapeaux ce qui est depuis toujours la maxime de sa part la plus créatrice « A l’impossible nous sommes tous tenus ». Mais elle ferait un pas plus grand encore si elle osait penser que l’impossible est nécessaire, proprement inéluctable. L’histoire enseigne aussi bien au chapitre des grandes inventions qu’à celui des grandes catastrophes humanitaires que l’humanité est incapable de s’empêcher de réaliser une idée qu’elle a imaginée, si magnifique, absurde ou monstrueuse soit-elle. Mais on gagnerait beaucoup plus de temps encore si l’on se décidait à admettre la grande conséquence de ces deux principes, a savoir que la réalité ambiante, qui résulte de toutes les créations accumulées de l’histoire, est une sorte de musée permanent des impossibilités, dont l’habitude seule nous préserve de mesurer l’inanité, l’incohérence et l’injustice.

Le ludicien n’attendra pas ici l’accord de ses contemporains. Dans un monde où des milliards d’hommes manquent de ce qu’il faut pour vivre, il pose, avec la force du constat que chacun peut faire, que l’impossible est précisément ce qui est réel. La logique ne saurait intervenir ici pour empêcher un constat : c’est au  contraire à la logique de s’adapter à la nouvelle donne que constitue le réel à l’ère ludique. Le pas de plus de la ludique, de l’ontologie du jeu, c’est de placer l’impossible en unique objet de la philosophie, en posant en principe que 1) l’impossible est certain 2) Cette certitude de l’impossible, c’est justement cela la réalité.