Faut-il préférer l’intime à l’amour ?

Faut-il sacrifier aux rites et aux mythes de l’amour, ou bien célébrer cette possibilité douce et neuve que nous offre  l’intime ?

L’amour, surtout le vrai, reste un discours, un récit, qui se déroule d’une déclaration à une rupture. Tout semble dit d’emblée dans ce « je t’aime », idéalement réciproque, où chacun définit l’autre comme son objet exclusif. Kant, déjà, ne voyait-il pas dans le mariage un étrange contrat de propriété mutuelle que sa seule réciprocité distinguait de l’esclavage pur et simple ? L’amour est un roman de l’autre au loin, qui échoue bien souvent là où l’intime réussit d’emblée.

Jullien ne signe pas ici un livre contre l’amour, mais sur et pour l’intimité, ce lien perpétuel et pourtant neuf, où s’évanouissent les distances. Car l’intime, c’est là sa magie propre, dissipe les frontières. Dans l’intime le dedans cesse de s’opposer à un dehors, comme quelque ligne de front, séparant à jamais les protagonistes des opérations amoureuses.

Prendre l’intime pour objet, c’est aller, au-delà de l’objet ou même du sujet, vers ce qui dans le sujet, à la fois le lie à l’autre et l’empêche d’être objet. Car l’intime est cette intensité du dedans qui me rend complice du dehors, comme si mes tréfonds rimaient, trouvaient enfin en eux même la voie d’un pair et d’un égal.

Comme on voit, plutôt que d’évincer l’amour, il s’agit plus au fond de donner à la morale son vrai point de départ. En suivant le silence des antiques sur l’intime, le glissement de l’intime depuis Dieu jusqu’à l’homme, la perspective, enfin, de vivre à deux, Jullien donne plus que du vrai : il donne du sens.

Compte rendu de François Jullien, De l’intime, Loin du bruyant amour, Grasset, fév. 2013

33 thoughts on “Faut-il préférer l’intime à l’amour ?

  1. “le glissement de l’intime depuis Dieu jusqu’à l’homme”?
    Que vient faire un dieu dans tout cela?
    Et comment aborder l’amour en tant que tel sans y inclure tous ses aspects? L’amour peut prendre différentes formes et toutes font qu’un pan de nous s’effondre lorsqu’on le perd.
    La question serait plutôt quel est le capital “amour” que l’on a dès la naissance et comment ou combien le gaspiller avant de se perdre dans un chagrin si intense qu’on sait que cette fois, on ne se relèvera pas! Et dieu n’a pas sa place dans ce sentiment-là. On ne peut aimer quelque chose ou quelqu’un qui n’existe pas. C’est se leurrer soi-même!
    Gene

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    1. Dieu ? ne fait rien . j’avais envie de te taquiner avec cette idée que voici : il est un point du début et un point d’arrivée . entre les deux tout nous appartient , libre à nous de faire en sorte de remplir la feuille de route avec “amour” . Bon, j’exagère , même en cours de route , il ne peut nous laisser choir complètement . C’est simple à comprendre , le point initial , s’il donne cette impression de n’être rien, de ne pas exister, il contient moult programmes possibles , comme la cellule contient les divers organes . mais de temps en temps , il intervient quand ça déraille 🙂 assurément pas dans notre concret , uniquement aux “points” précis , avec ses aiguilles . Tu me diras , à quoi bon vivre si c’est pour passer d’un point à un autre ? il n’y a nulle transformation selon les apparences . un point est identique en tout point à un autre 😉 c’est comme le big bang qui se solderait par un big crunch , cela parait vain .
      d’où l’idée entre autres qu’à chacun n’appartient que cette idée du point , ou du “un” . c’est mince comme preuve … et ne mérite aucun conflit .

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      1. Mais il y a des chemins qui s’ouvrent à nous et nous avons chaque fois le choix de prendre l’une ou l’autre voie qui se présente à nous.
        Maintenant, il n’y a pas d’amour sans haine, tout comme le blanc n’existerait pas si il n’y avait pas le noir. Le tout est constitué de son contraire et on ne peut reconnaître certains véritables amours que si on choisit la difficulté et on s’en ramasse plein la poire. Car, s’en ramasser plein la poire est aussi un chemin qui nous fait avancer.
        Certains prendront la voie facile et rencontreront une vie simple, sans problème et se considéreront vivre le bonheur complet, D’autres ont besoin de comprendre, d’aller plus loin, de faire les expériences par eux-mêmes et d’enrichir ainsi leur palette de sentiment, d’empathie, de compassion, de colère, de révolte…tout ce qui fait partie de la vie. Enfermer une personne ainsi faite dans une cage dorée où elle aura trop d’amour et trop de trop, va dépérir.
        D’ailleurs il est démontré qu’un enfant trop couvé a les mêmes carences affectives qu’un enfant mal traité…
        Il y a un très beau livre qui décrit l’amour et la haine maternel, mais je ne m’en souviens malheureusement plus du titre, ni de l’auteur. (Il me faut avouer que les auteurs et les titres sont secondaires pour moi. Je préfère ou non le contenu 😉 )
        Et rechercher parfois le conflit, ça fait du bien. ça secoue les puces et la réflexion.
        Amicalement Hé lium
        Gene

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  2. La je suis bouche bée. J’admire en silence. C’est cela l’amour c’est bien l’intime et uniquement cela si l’on ne veut pas affaiblir et affadir ce mot magique de son sens profond; ce que la plupart du temps on ne comprend pas car on ne sait pas aimer vraiment tout simplement parce que c’est dans la découverte de l’intime en soi et dans les autres que se rencontre la difficulté et la douleur.

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        1. J’ai trente deux ans et je commence à saisir cette notion que maintenant…et du coup à m’ouvrir sur un tout autre horizon…mais ça demande de la patience et du courage aussi…

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    1. J’ai trente deux ans et je commence à saisir cette notion que maintenant…et du coup à m’ouvrir sur un tout autre horizon…mais ça demande de la patience et du courage aussi…

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  3. Le plus intime de l’intime c’est Dieu et il habite en chacun de nous. C’est l’indépassable de l’intime. Et la source de la vraie joie.

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  4. Le plus intime de l’intime c’est Dieu et il habite en chacun de nous. C’est l’indépassable de l’intime. Et la source de la vraie joie.

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  5. l’amour sans l’intime n’a pas lieu d’être. L’intime sans l’amour non plus. Je pense surtout que vivre l’instant reste la plus belle part de nos actions dans le couple.

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  6. bonjour Jean Paul,
    C’est juste pour vous dire que j’aime simplement qu’il y ait de l’intimité dans l’amour

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    1. Sans doute que l’intime est une des preuves de l’amour, peut-être la plus essentielle. Ainsi en est-il précisément de Dieu.

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  7. L’amour n’est pas un sentiment . c’est plus une énergie, un flux, une force vitale , un courant, un feu ou la sève présente en toutes choses, qui trace son chemin , ses modulations dans la nuit cosmique , et engendre la vie , dont nous avons le sentiment , l’image plus ou moins floue … qui nous traverse, et qu’on redonne , peut-être …

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    1. C’est ce lieu de l’être en nous qui entre en résonance avec l’être de l’autre, c’est en nous la part de Dieu, qui nous donne l’existence la plus profonde et la plus intense, ce lieu de vérité d’où jaillit la création artistique

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  8. Choisir entre l’intime et l’amour , je dirais que l’un sans l’autre il manque quelque chose et l’intime sans amour ou l’amour sans l’intime est incomparable et inséparable je pense ensuite tout dépend sur quoi on parle …

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  9. L’intime tue l’amour ! (ou la certitudes d’un doute)

    On n’ai jamais aussi seul que dans son intimité.
    C’est d’ailleurs la peur de l’intime qui fait espérer Dieu. Comme un remède à sa solitude spirituelle.
    Croire que l’intimité apporte la vérité est une erreur. Et le partage n’est pas forcement vrai parce qu’il est intime, on peut même parfaitement se mentir intimement.
    Rechercher l’intimité d’un autre ou la présence d’un Dieu dans son intimité, ce n’est donc, qu’un égoïsme mensonger.
    La preuve ? On aime bien avant d’être intime, on déteste l’autre s’il viole notre intimité.

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  10. Merci pour les références du livre Jean Paul Galibert qui pour moi tombe à pic dans ma vie, excellent ! J’en reparlerai une fois fini je pense. Mais je le recommande.

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  11. Citation ; <>

    Qu’est-ce que ‘l’amour vrai’ ? La description ci-dessus est celle de l’amour-passion, conditionnel, intéressé, mérité.

    Par amour vrai, je parlerais d’agape, amour inconditionnel, désintéressé et émérite. Agape qui contient pathos, eros, philia, qui les rassemble et va bien au-delà.

    Cet amour que certains découvrent a la particularité de ‘grandir’ avec le temps. Les protagonistes disent : nous nous aimons toujours plus. Et pourtant ils sont toujours plus vieux et donc toujours moins ……………………………

    Ceux qui le vivent n’en parlent souvent pas. N’en font pas l’étalage, ils le gardent précieusement ‘pour eux’ bien que leur amour se voit. Plus le couple s’aime, plus il aime ‘les autres’ : les enfants du couple mais aussi tous les autre. Mais leur couple passe avant. Ils ont une intimité, complicité suffisante pour ne pas rechercher l’intimité, la complicité avec d’autres. On découvre généralement leur amour de couple, leur amour intime, lorsqu’ils parlent par exemple d’une ‘certaine population’ . Ils parlent de toutes les ‘minorités’ avec respect même sans forcement les connaitre même en étant parfois très, très différentes et à première vue ‘coincé dans une particularité culturelle’. Mais en les écoutant parler, ils parlent avec le même respect de ‘tous les camps’ … aie, ‘minorité’ n’est certainement pas le bon mot. Dans ‘minorité’, est inclus “les femmes’ par exemple, c’est à dire tout ce qui est considéré comme ‘particularité’, comme différent par un groupe et qui peut entrainer un ‘mépris’ envers le groupe qui ‘ne nous ressemble pas’.

    (C’est compréhensible, ce que je raconte ? Je me comprends très bien ! 😉 😉
    …. mais pas certaine que d’autres ….

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  12. La citation de mon précédent commentaire n’a pas passé ! C’était : L’amour, surtout le vrai, reste un discours, un récit, qui se déroule d’une déclaration à une rupture. Tout semble dit d’emblée dans ce « je t’aime », idéalement réciproque, où chacun définit l’autre comme son objet exclusif.

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