Avez-vous un carnet?

Ma solution personnelle est un petit carnet. Je l’ai toujours en poche, et souvent à la main. Pouvoir à tout instant y noter quelque chose change le regard qu’on porte sur les choses : il le ralentit, l’aiguise et l’alourdit. Le carnet rend le regard perçant. Si le réel perce d’un côté, et le regard de l’autre, la surface des choses ne tarde pas à s’entrouvrir. Elle se lézarde, et libère des possibles, des hypothèses, des aperçus. Il se peut même que dans le lot, il y ait quelques vérités.

Rien de mieux qu’un carnet pour tenir au bord des larmes, venir au bord de la jouissance, hésiter au bord du néant. Feuilleter, visiter, flâner au bord du temps.  Marcher au bord de l’eau, longer le précipice, border l’enfant qui dort. Etre tout contre l’autre : tenir une main, écouter un soupir, effleurer un sein.

46 thoughts on “Avez-vous un carnet?

  1. “Nada mejor que una libreta de apuntes para valorar al borde de las lágrimas, ir al filo del placer, vacilar al borde de la nada . Hojear, visitar, pasear al borde del tiempo. Andar al borde del agua, ir a lo largo del precipicio, bordear al niño que duerme. Ser todo él(la) otro(a): tener una mano, escuchar un suspiro, rozar un pecho.” Me gustó mucho.

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  2. J’en ai plusieurs de tous formats, et de toutes textures, dans mes poches, dans mon sac photo, hâchés de mots et parfois de traces d’herbe, de sable,, de terre…et souvent, c’est même debout dans la rue que je les remplis à la hâte quand un petit quelque chose demande à déborder sur les pages; J’adore les carnets parce que je ne les garde pas…ils se perdent, s’envolent,, et alors, c’est peut-^tre un enfant, un passant qui y mettront leur grain, de sens à leur façon…:),

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  3. Moi qui aime noter mes pensées, je n’ai jamais le réflexe de prendre un carnet sur moi en permanence… ce sera désormais chose faite, grâce à vous ! Merci !

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  4. Bonsoir , Et non vu que je suis une tête de linotte incarnée et que je me sens souvent assez désincarnée, je ne note pas mes délires , mes larmes, je les pleure et mes rires, je les ris sans les noter ! et vive la spontanéité !

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    1. Yes! Bien dit Juliette. Car noter n’est-il pas un peu mourir?
      Au delà du fait qu’elle reste dans la postérité, la note à propos d’un évènement fixe cet évènement.
      Ainsi sera-t-il aussi fade à relire que visionner une photo souvenir. Sans impact réél dans le maintenant.
      Ne nous coupe-t-il pas d’un présent si fragile?
      Je note donc je suis? Hummm, improbable. Mais ce n’est que mon avis.

      NB: pardon pour ce doublon, mais je souhaitais juste publier avec mes identifiants WordPress 😉

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    1. Moi aussi, j’emporte mon appareil photo partout, accroché à ma ceinture, en bandoulière ou dans le fond de mon sac. Je photographie des bouches d’égouts, des poignées de porte, la lumière du moment, un graffiti, une fleur, une lézarde dans un mur. Chaque cliché correspond à un moment particulier, un instant de bonheur, une surprise, des mots qui s’enchaînent, des rondes de mots, mes histoires mes espoirs, des traces de mon passage.

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  5. C’est tout à fait juste! Belle définition, qui résonne magnifiquement en réponse aux carnets de mon passé ou de mon présent griffonnés, plein de petits collages, de questions, de citations, de tas de petits et grands rien et tout qui racontent de beaux moments de vie.

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  6. C’est drôle, ces derniers jours je pense justement à m’en procurer un nouveau, histoire de noter des pensées, des citations, des bribes de vie…un indispensable pour l’âme et l’esprit. Très beau billet !

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  7. Je n’ai jamais pu me résoudre à tenir un carnet de manière durable: le seul ordre d’entrée possible des infos est l’ordre chronologique (comme pour l’entrée de documents aux archives) et souvent j’ai une idée fulgurante que je suis incapable de développer à l’écrit… Du coup, un carnet plein de choses illisibles, ça ne sert pas à grand chose sinon à me frustrer à la relecture et à m’alourdir dans mes déplacements. Si mes idées ont vraiment de la profondeur, elles reviendront, mûriront. Pour le reste, je vis l’instant présent avec bonheur et remplis ma mémoire. Ce qui ne m’empêche pas de collectionner, dans un autre ordre d’utilité, les carnets sur les choses à faire.

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  8. Hélas… Moi qui soupire chaque fois qu’on me donne un euro… Une carte de fidélité… Cela alourdit le sac ! Donc, pas de carnet. Et du coup, je suis bien embêtée quand j’ai envie d’écrire quelque chose (mais il y a les cartons dans les cafés, les tickets de caisse, les verso de “key cards” (transport sncb…) etc. etc. Et même les serviettes de restaurant. Et aussi les marges d’un journal succédané de tous les journaux, “METRO”… Mais là, ça devient hard.

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  9. Bien sûr, fascination pour les beaux carnets noirs façon Moleskine. Mais grosses difficultés pour “tenir” un carnet de façon assidue: j’en commence plusieurs, les notes s’éparpillent de l’un à l’autre… Depuis un an, à mon propre étonnement (car je pensais que l’intimité du carnet exigeait l’écriture manuscrite), j’ai découvert une solution du côté de l’informatique: une appli installée sur mon Mac et sa déclinaison en smartphone (Day One): quelques mots, ou de longs paragraphes, éventuellement agrémentés de photos, à chaque fois que l’envie m’en prend, et le tout se synchronise “dans le nuage”. Mon moment préféré: les transports en commun.

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  10. Pour ma part j’ai 3 carnets en cours et un stylo fin et agréable à utiliser
    2 carnets de type classique :
    – Un petit carnet noir rigide qui me permet de noter chaque pensée que j’estime suffisamment intéressante pour être consignée et qui me servira peut-être (ou pas) à rédiger mon prochain livre (ou pas)
    – Un carnet noir rigide de taille moyenne qui me permet de prendre des notes lors de mes réunions quand l’utilisation de mon 3ème carnet n’est pas utilisable.
    1 carnet électronique :
    – Une tablette de la même taille que mon carnet moyen (7 pouces) qui me permet de prendre des notes que je stock dans mon carnet électronique (avec tout ce qui est utile, ou me semble utile) ce carnet est consultable sur mon smartphone et mon Mac…

    Une fois j’avais garé ma voiture et j’avais la tête ailleurs, et arriva ce qui devait arriver. En sortant de ma réunion… Plus de voiture !
    Enfin plutôt plus de voiture là où je ne l’avais pas garée… Effectivement elle était à deux rues de là…
    J’ai mis 4 heures à la retrouver !
    Depuis j’ai mon carnet électronique … Je prends en photo ma voiture et sa position est stockée dans mon carnet électronique avec la photo.
    LOL !
    Mon GPS fais le reste 😉
    Bon d’accord et si j’étais réellement présent à ce que je fais aurais-je besoin de cela ? Certainement pas !
    Et pourtant elle tourne !… Galilée à l’aide !

    J’utilise souvent ce carnet pour stocker, écrire (avec un stylet, car j’ai du mal avec les claviers de tout poil…) D’ailleurs… en ce moment j’écris avec un stylet (et une tablette tactile). Ecrire me rapproche de ce que j’écris… Je me sens plus près de ce que j’écris comme cela. Plus qu’avec le clavier.
    Ecrire reste un acte très sensuel pour moi. J’aime le support papier plus que le support électronique car le contact du papier est très rassurant pour moi. J’ai toute une série d’ancrage tellement agréables avec ces carnets de papier.
    Le seul véritable avantage du carnet électronique est sa disponibilité au delà des frontières car je retrouve mes carnets lors de mes voyages toujours près de moi…

    Merci de ce billet

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  11. Comme je travail dans la reliure, je voudrais donner ma petit témoignage d’un monde qui toujours aime les carnets. Questions de forme, dimension, reliure, qualité du papier selon le type d’encre à utiliser, tous ont un petit-grand projet à développer. Poètes, artistes, rêveurs, penseurs, voyageurs en train de partir ou qui reviennent: une humanité qui raconte le passé, l’aujourd’hui et le demain. Nous avons une charge de mots à renverser quelque part, inévitablement. Je trouve tous ça extraordinaire.

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  12. Voici une bien belle ode au carnet !
    J’ai toujours eu de quoi prendre des notes que ce soit sur un papier ou actuellement électronique. C’est un outil essentiel ! Les mots débordent trop souvent de ma pensée: il faut bien un support pour les recueillir et les apprivoiser…

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  13. Cher monsieur Galibert, voici mon carnet du jour:
    évoquer votre oeuvre et vos escalades (en équilibre sur le bord d’un trottoir, d’autant plus périlleux), dans le modeste travail de thèse de doctorat en art que j’entreprends de terminer cette année à Paris 8 sur la question du “tableau” (tableau, fabrique du sujet). Quand le quotidien fait signe de la main au voisin arrêté sur le palier. Merci à vous et bonne chance à lire et à écrire tout en dedans le dehors.

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      1. Merci.
        Il y avait plusieurs choses, votre texte sur “le bord de la solitude”, publié par la revue transdisciplinaire “conserveries mémorielles”, que j’ai étrangement apparenté à l’oeuvre d’un peintre français contemporain qui s’appelle Philippe Richard et dont sa peinture parfois, “déborde”. Il y eut cet intérêt que j’ai porté aux recherches de l’historien de la photo André Gunthert et son mode d’enseignement “dynamique” au sein du Lhivic Ehess (il est l’un des rares à enseigner avec et à propos de la culture populaire / nouveaux médias, notamment grâce à sa ferme de blog de chercheurs “culture visuelle”), de même qu’à votre blog, que je trouve formidable. Cette approche méthodologique (comment de nos jours aborder la contemporanéité de l’objet tableau et du pourquoi peindre?) en-dehors de son registre initial (celui de l’histoire de l’art et de l’esthétique) me permet d’interroger les usages contemporains des écrans, cadres et fenêtres “ouvertes sur le monde” à travers la pratique de mes contemporains mais aussi des ces individus artistes qui créent des oeuvres à l’atelier. Il est possible que certaines des réflexions ici présentes puissent être évoquées, comme celles sur le vide de l’écran d’ordinateur par exemple (excusez mon raccourci, je relate l’un de vos billets de mémoire), en regard d’autres réflexions qui peuvent émaner même du champ psychanalytique élargi (avec par exemple Gérard Wajcman et ses “Fenêtres…”). Pour moi, l’actualité d’une thèse c’est aussi cela, permettre au chercheur d’évoquer et d’inscrire sa réflexion dans le terrain le plus vierge et le plus actuel (qui peut donc paraître à certains risqué et meuble mais c’est important ces qualités de l’analyse).

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  14. Oui, le carnet, l’indispensable carnet du rédac-journaleux-poète ! J’aime sa présence discrète dans la poche de mon blouson, juste à côté du stylo, comme un harmonica prêt à être dégainé. Et comme cet instrument, prêt à y insuffler de l’âme plus que de la rhétorique. Plus efficace encore que mon iphone pour saisir au rebond ce qui se dessine soudain devant mes yeux : un coup de gueule en puissance, une vérité mise à nu, une poésie inédite et éphémère, la fulgurance d’une évidence… Trois mots, une formule, peut-être le début d’un billet, son intro ou son titre… Moi aussi, j’en ai plusieurs. Merci pour ce joli texte d’un carnet ouvert à toutes les voluptés du Verbe… Je partage !

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  15. Je voulais juste préciser concernant l’évocation de ce blog dans mon travail de recherche que si j’en cite des extraits, ce sera avec le respect de la règle de référence électronique (exemple : Jean-Paul Galibert, “Avez-vous un carnet?”, Philosophie de l’inexistence, 2013, mis en ligne le 3 décembre 2013, consulté le 5 décembre 2013. URL: https://jeanpaulgalibert.wordpress.com/2013/12/03/avez-vous-un-carnet/) Merci !

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  16. Le petit carnet, c’est la nécessité de laisser une trace de ce que l’on voit, de ce que l’on ressent, la preuve que l’on respire et qu’on existe. Des traces pour nous-même et pour les autres ? Et puis c’est contagieux, on en offre parce qu’on les aime et personne ne peut résister à noircir ses pages, c’est comme une chaîne, de mots, de gribouillis, de croquis…

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  17. j’ai plein de carnets dans un particulier tiroir de mon bureau, et toujours un dans ma poche. merci jean paul pour ces notes, indispensables au flâneur, à la flâneuse. anna

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  18. Io mi segno le cose un po’ ovunque anche se ultimamente segnarmele sul telefono mi aiuta ad essere più ordinato. Comunque anche nel mio disordine, i miei flussi emotivi sapranno quali saranno veramente le cose da ripescare nei miei disordini sparsi. J.P. grazie per la tua visita al mio nuovo blog – come ti dicevo nell’altro commento, la prossima volta mi impegnerò a scriverti in francese 🙂

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  19. Ma solution personnelle est aussi un carnet que je ne quitte pas.
    Rien effectivement de mieux que la plume, que l’écriture où les maux filent, où les mots saignent.
    Un carnet, c’est parfois un échappatoire, un constat, une odeur, un sourire…
    Tout peut s’y graver…
    Le temps présent y est noté, figé, attrapé.
    On y évoque aussi le bon vieux temps, les rêves, et mêmes ceux qui se sont envolés.
    Car les rêves peuvent s’envoler un jour…
    Le carnet est l’objet quasi-indispensable où caracole le cheval de la liberté de penser, et d’être.
    A sa croupe, un cavalier qu’on appelle “Solitude”, qui tient inlassablement les rênes de la plume.

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  20. De carnet ? Point ! Je viens d’effacer un long texte sur ce sujet du carnet, mais ça ne sert pas à grand chose vu que le courant de cette discussion est plus pour ceux qui disent “oui au carnet “…
    JP ! Plein de “like” sur mon blog ! C’est gentil, mais…ça ne dit pas grand chose, alors… je n’en dirai pas plus moi non plus !

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