Y a-t-il un devoir de paresse?

Y a-t-il vraiment un devoir d’agir, qu’il faudrait opposer à  l’idéal de chacun, qui semble bien être de ne rien faire ?  Et si c’était l’inverse de ce que l’on croit? S’il y avait un devoir de paresse, par rapport auquel nous devrions condamner toute tentative ou tentation d’action ?

Agir, finalement, de quel droit ? Car les morales s’accordent si aisément sur un devoir d’agir, qu’on le tient pour acquis, et que chacun croit qu’il est de son devoir de faire n’importe quoi plutôt que rien. Mais qu’avons-nous à faire qui soit mieux que le rien ?

Il y a quelque impudence à troubler la surface sans ride du rien, sa vacuité de miroir, son infini réceptivité à tous les événements possibles, qui n’est jamais si grande que lorsqu’elle ne reçoit rien. Il n’y a jamais plus de gens qui peuvent m’appeler que lorsque personne ne m’appelle. Au fond tout appel est une perturbation indésirable, une occupation fâcheuse de mon reposant vide intérieur.

Une douceur  s’enlise peu à peu dans le rien, comme un confort d’être mort qu’on opposerait mollement à tout réveil possible. Pourquoi cette inconséquence que l’entreprise d’un événement ? Ne sais-je pas déjà que la surface se reformera dans son immobilité absolue, une fois l’onde passée ? A quoi bon faire vibrer le rien ?

La sagesse de l’inaction n’est pas d’éviter l’effort, mais l’effet. Car si l’on fait quelque chose, il n’y a plus le rien. De quel droit remplacer par une chose l’infinité des possibles ?

36 thoughts on “Y a-t-il un devoir de paresse?

  1. Paul Lafargue avait revendiqué en 1880 un droit à la paresse qui remettait en cause la “valeur travail”. Déjà…

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  2. Je crois que la réponse est dans le “et” et non pas dans le “ou”.
    Autrement dit, il n’y a pas opposition des deux attitudes…
    S’inspirer, peut-être, de la philosophie du Yin et du Yang, de l’alternance de l’inaction et de l’action qui crée le dynamisme du monde ?…

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  3. C’est amusant : je n’aurais jamais osé dire que l’idéal de chacun est de ne rien faire. Au contraire, il me semblait (d’un point de vue sociologique, éventuellement), que l’idéal de chacun consistait aujourd’hui à agir frénétiquement et de se sentir exister par l’action (téléphoner, répondre au téléphone, écrire des emails, en recevoir, lire, regarder des films, faire du sport, bouger, manger, faire l’amour -ou “baiser”…).
    Cela me fait découvrir un étrange paradoxe : dans la société des “loisirs”, on ne sait pas s’ennuyer. On agit. On comble le vide. Mais le vide ne se comble pas, il se contemple.

    Trouvé dans le Wiktionnaire :
    « Les loisirs vont s’abattre sur l’homme non préparé comme une peste morale. Notre civilisation doit faire face à trois dangers graves : la guerre nucléaire, la surpopulation et le loisir. » — (André Brincourt, André Malraux ou le temps du silence, 1966)

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  4. Je viens d’écrire dans un commentaire à Daniel que l’observation de nos petits animaux domestiques sont pleine d’enseignements…cela pourrez s’appliquer ici aussi, non ?

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  5. Vaste question que le rien : pourquoi faire quelque chose plutôt que rien. Sur le sujet : lire aussi la passionnante et très dense BD de Marc-Antoine Mathieu : “Le décalage”. Du pur caviar ontologique…

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  6. @ remymercy : il me semble que l’hyper activité n’est pas un idéal mais un comportement “automatique” (=non conscient) qui ressemble plutôt à une fuite de l’angoisse du vide, justement. Il n’est pas facile dans une société basée sur la compétitivité et le “hyper” (consommation, information, activité) de désapprendre à “faire” et d’apprendre à “être”, tout simplement. Ne pas faire n’est pas rien 🙂 !

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  7. “La sagesse de l’inaction n’est pas d’éviter l’effort, mais l’effet”
    voilà une phrase qui me botte ! je ne suis pas tout à fait sûre pour l’effet …peut être autre chose mais ça tourne autours , ya de ça … je ne sais pas , je cherche
    merci

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      1. Ne sommes-nous pas responsables de nous-mêmes? l’esprit, corps, famille, travail et des études? Les étudiants l’ont compris.Certains scientifiques disent même que c’est une maladie parce que la paresse c’est dans la tête, elle affecte l’esprit et le corps.
        .

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      2. Quand vous dites cela , pensez vous à l’effet au sens d’effet attendu ? Je me dis que cette “posture” d’inaction (ou ce choix) a un effet puisque cela prend place à celui de l’action . Mais là il est vrai c’est la posture qui est effective et non l’inaction elle même .
        Donc , en effet , je ne trouve pas d’effet .

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  8. Il y a une nécessité de recul. Mais, une fois de plus, qu’est-ce que faire ? Y a-t-il vraiment un seul humain sur Terre qui « ne fait rien » ? Et en quoi faire de nos jours diffère-t-il de faire hier et avant-hier ? En quoi l’exigence de productivité marchande et le standard du travail-trepalium (c’est-à-dire non pas celui qui permet à l’humain de s’élever, mais celui qui l’asservit) à la fois comme obligation (devoir) générale et absolue, inscription essentielle dans la société et prétendue vecteur d’épanouissement personnel ont-ils modifié notre appréhension de la nature de l’action ? Faire, réaliser, une chose, est-ce encore faire si la dimension pécuniaire n’y a pas sa place ? Celui qui fait ce qu’aujourd’hui une machine pourrait faire à sa place, fait-il vraiment ou son action n’est-elle qu’un hologramme visant à perpétuer un modèle social révolu dont les pouvoirs institués, inscrits dans l’action courte, s’obstinent à refuser de penser la consécution ?

    L’écrit libre, celui qui imprime votre blog ou le mien, par exemples, relève-t-il de l’action ? Qu’est-ce, d’ailleurs ? Ce n’est pas rien, mais est-ce quelque chose, selon le standard contemporain ? En quoi la seule écriture d’un poème aurait-elle, en termes d’action sociale, moins de valeur que la participation à une énième manif docile et régimentée ? Enfin, comment qualifier socialement l’action qui n’approuve (c’est-à-dire ne s’inscrit dans un schéma particulier) ni ne conteste (c’est-à-dire ne rejette pas ce schéma) ? Est-ce une action ? Une allégorie ? Un leurre ?

    Quant au devoir, dont le retour en force post-soixante-huitard imprègne, en ces temps de crise provoquée (Il eût suffi à Bush de sauver Lehmann Brothers, puis d’imiter Khrouchtchev face aux banquiers, d’agir en somme, chaussure à la main…), toutes les bonnes consciences de la délégation démocratique et tous les maîtres de l’entreprise privée, auxquels ils rendent des comptes, est-il pertinent de le présenter comme la contrepartie intrinsèque du droit ? Et pourquoi la notion de devoir parvient-elle bon an mal an à se maintenir comme un obélisque dans un paysages de droits ravagés, le paysage grec par exemple (cf. ma remarque antérieure concernant l’obéissance) ? Quelque philosophe a-t-il jamais pensé la notion exclusive de droits, la superficialité du devoir, et ce qu’elles impliquent en termes d’organisation sociale, d’éducation, d’émancipation ? Si, en vertu de la simple humanité, des droits innés répondant à tous les besoins fondamentaux étaient à chacun acquis (droits préfigurés par le grand tabou de l’allocation universelle), le bien-fondé du devoir subsisterait-il ? Probablement pas, mais en quoi ce dernier se muerait-il alors ? Pourquoi, selon quel miracle, quels critères, quelle subconsciente mécanique, après le démantèlement programmé de la Providence et la chute des idéologies moralistes l’impression de devoir parvient-elle à se maintenir en Occident ?

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  9. Dans chacun de nous il y a une part de courage et une part de paresse il me semble. Je pense que nous avons besoin des deux dans une vie et je ne vois dans ceux-ci aucun devoir.
    N’est-il pas formateur que de s’ennuyer ? Donc de ne rien faire ! Assurément, c’est même essentiel, d’ailleurs les enfants ont besoin de ces moments d’inactions pour bien grandir 😉
    Rien de tel qu’un moment dans une chaise longue, à l’écoute de dame nature, pour vous ressourcer.
    Encore une fois faut-il trouver le juste milieu 🙂

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  10. nous sommes pas respensable de nous memes? de l’esprit,du corp,famille,travaille ,et des etudes les etudiant l ont comprise :-)certains scientique disent meme que c est une maladie pourquoi parceque la paresse c est dans la tete elle efecte l esprit et tout le

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    1. @ exploratrice44 :

      “certains scientique disent meme que c est une maladie pourquoi parceque la paresse c est dans la tete elle efecte l esprit et tout le corps”

      Qui sont ces scientifiques qui affirment cela ? De quelle discipline sont-ils spécialistes ?
      Par ailleurs je comprends mal votre définition de la maladie. Est-ce un argument pour affirmer que la paresse est une maladie ? J’ai du mal à comprendre.

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  11. comment peut-il y avoir de la motivation dans la paresse ? Impossible sans l’effort !!! Quand il y a l’effort ,il y a l’effet. Sinon, il n’y aurait pas autant de personnes assises sur un canapé en train de se goinfrer en se demandant pourquoi ils sont gros.

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