Il faut créer, bien plus que lutter

 La création est plus forte que la lutte, puisqu’elle n’a pas besoin de violence, plus juste, puisqu’elle n’impose rien, plus riche, puisqu’elle produit au lieu de détruire, plus existante, enfin, puisqu’elle évite de provoquer, en elle comme hors d’elle, le moindre néant. La création, seule, permet de renoncer à la tentation du néant : celle d’un recours au néant pour lutter contre le néant. Or anéantir le néant serait le faire triompher. Il ne faut nul néant, nul contact avec le néant, telle est la devise de l’existence, possible par la création.  Il ne faut et on peut ne rien supprimer, puisque créer suffit à périmer. Créer, c’est être le passeur, celui par qui le passé passe.

46 thoughts on “Il faut créer, bien plus que lutter

    1. La création artistique représente le vrai dans une image sensible. Image du néant ou du chaos ?
      N’oublions pas qu’il y a cependant quelque chose au-dessus de tout : la liberté.
      Cette faculté que l’homme renferme en lui-même, nous l’appelons d’un seul mot, la liberté.

      La liberté est la plus haute destination de l’esprit. (HEGEL).

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    1. Pas aussi tranché qu’on ne pourrait le croire? Bien sûr il y a sûrement certaines nuances que je ne suis pas capables de saisir mais j’ai du mal à voir quel type d’action ne découle pas du système binaire dont vous parlez. Chaque “acte” (qui est aussi création par ailleurs) est lié à un autre “non-acte” d’un autre plan. Peut-être suis-je pas assez ouverte d’esprit pour voir autrement.

      Je ne peux qu’être d’accord avec vous, une lutte est positive dans le sens où c’est une mise en action. J’entendais “positif” dans le sens d'”en faveur de” et “négatif” dans le sens “d’en défaveur de”, ça n’avait là aucun jugement de valeur. Bien que nous pourrions dire que de décider de ne pas lutter peut aussi être une mobilisation, si ce n’est du corps, au moins de l’esprit. Je suis convaincue que l’acceptation est aussi un type de lutte.

      Etant relativement prosaïque (peut-être est-ce là la principale composante de ma personnalité qui m’empêche d’arriver très loin dans mes réflexions), je ne peux m’empêcher d’associer systématiquement des interrogations conceptuelles à des faits concrets. Et suite à votre commentaire, je ne peux qu’affirmer que ce genre de personne existe. Par exemple, j’ai déjà entendu une connaissance dire haut et fort qu’il n’était pas contre le mariage gay mais qu’il voulait défendre la conception “traditionnelle” du mariage qui se doit d’avoir lieu entre un homme et une femme. Je sais que ça ne vaut pas la peine de se pencher sur la question mais c’est bien la preuve que certains individus (certes pas très éclairées) refusent totalement la causalité de toute lutte.

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      1. Cela dépend (de la volonté d’opposition) de celui qui crée : contre soi-même, contre la société, contre une cause particulière… les choix sont infinis.

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      2. La notion de lutte induit forcément un pour et un contre. Quand on lutte pour la liberté on lutte contre la dictature, quand on lutte pour la vie, on lutte contre la mort, quand on lutte pour l’indépendance, on lutte contre l’uniformisation… Après on peut peut affirmer ne lutter que positivement, mais ce n’est qu’illusion. Un combat en faveur de quelque chose induit forcément la dévaluation de son opposé…Ceux qui refusent de voir cela sous prétexte qu’ils préfèrent n’admettre qu’une seule composante de leur combat (après tout c’est plus élégant de se battre pour un parti politique que contre un autre par exemple) sont dans l’erreur.

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      3. Certes, là est l’évidence. Si je prends à droite, je ne bifurque pas à gauche. Mais c’est un effet collatéral. Notre système causal – voire binaire – induit deux réalités à chaque mouvement, qui ne sont pas aussi tranchées qu’on veut bien le croire.

        Lutter procède de la volonté. La lutte est un choix positif (même si la volonté est de “lutter contre”) car elle engendre une mobilisation du corps et de l’esprit. L’état d’esprit de la lutte est primordial, et c’est dans ce sens qu’il faut entendre que l’on peut “lutter pour”, ou “lutter contre”.

        J’ai la chance de ne pas connaître “Ceux qui refusent de voir cela…”, ce qui fait que je ne crois pas connaitre de personnes qui sont dans l’erreur… simplement ont-ils peut-être une autre réalité que la mienne, qui me permet de suspendre mon jugement.

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      4. Pas aussi tranché qu’on ne pourrait le croire? Bien sûr il y a sûrement certaines nuances que je ne suis pas capables de saisir mais j’ai du mal à voir quel type d’action ne découle pas du système binaire dont vous parlez. Chaque “acte” (qui est aussi création par ailleurs) est lié à un autre “non-acte” d’un autre plan. Peut-être suis-je pas assez ouverte d’esprit pour voir autrement.

        Je ne peux qu’être d’accord avec vous, une lutte est positive dans le sens où c’est une mise en action. J’entendais “positif” dans le sens d'”en faveur de” et “négatif” dans le sens “d’en défaveur de”, ça n’avait là aucun jugement de valeur. Bien que nous pourrions dire que de décider de ne pas lutter peut aussi être une mobilisation, si ce n’est du corps, au moins de l’esprit. Je suis convaincue que l’acceptation est aussi un type de lutte.

        Etant relativement prosaïque (peut-être est-ce là la principale composante de ma personnalité qui m’empêche d’arriver très loin dans mes réflexions), je ne peux m’empêcher d’associer systématiquement des interrogations conceptuelles à des faits concrets. Et suite à votre commentaire, je ne peux qu’affirmer que ce genre de personne existe. Par exemple, j’ai déjà entendu une connaissance dire haut et fort qu’il n’était pas contre le mariage gay mais qu’il voulait défendre la conception “traditionnelle” du mariage qui se doit d’avoir lieu entre un homme et une femme. Je sais que ça ne vaut pas la peine de se pencher sur la question mais c’est bien la preuve que certains individus (certes pas très éclairées) refusent totalement la causalité de toute lutte.

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    1. Frédéric,

      Je ne sais pas s’il faut hiérarchiser connaissance et imagination.

      Il existe des liens entre les deux, et j’ai l’intuition que l’on ne pourrait pas développer l’un sans l’autre.

      Vous nous renvoyez à une page de citations d’Einstein, dans laquelle je ne trouve pas cette assertion que j’ai lu dans son ouvrage “Comment je vois le monde” :

      “Il ne suffit pas d’apprendre à un homme une spécialité car il devient ainsi une machine utilisable et non une personnalité. Il importe qu’il acquière un sentiment, un sens pratique de ce qui vaut la peine d’être entrepris, de ce qui est beau, de ce qui est moralement droit. Sinon il ressemble davantage, avec ses connaissances professionnelles, à un chien savant qu’à une créature harmonieusement développée.”

      Peut-être devons-nous simplement accepter la complexité (au sens dont l’entend Edgar Morin) du monde, c’est-à-dire le tissage, le maillage de tout avec tout.

      La physique quantique nous dévoile un monde qui incorpore la complexité, proposant dans le même temps un évènement et son contraire (http://fr.wikipedia.org/wiki/Chat_de_Schr%C3%B6dinger).

      Je pense que nous allons vers ce monde qui, pour le moment, nous est incompréhensible, car il transcende notre logique et notre système de pensée causal.

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      1. Mr Dimitri Kas.

        De hiérarchisé n´était mon intention mais celle d´Einstein. Mon commentaire a pour intention de soulevé, souligné la “stupidité” de cette sitation qui parfois peut servir dans un monde bien trop Cartesien (scientifique, logique). C´est plutôt, à mes yeux, une balance entre connaissance (conscience) et rêve (imagination et utopie), un équilibre entre beau et horrible, entre destructif et constructif, entre passé et futur, une dynamique temporelle qui fait avancer et évoluer le monde et qui aussi stimule la création et dans les deux sens. Des sentiments de douleur ou de bonheur. Travailler la nature, les matériaux avec outils dangereux, coupants (scies, haches, couteaux, marteaux etc…) feux (acte destructif) pour la transformer harmonieusement (acte créatif) en une oeuvre d´art. Il faut trouver une juste balance.

        Merci pour votre commentaire pertinant et apprécié. Excusez moi de la pauvreté et de la profondeur de mon language, je m´exprime généralement mieux par les images et la musique.

        Cordialement

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      2. Frédéric,

        Vous avez grand tort de sous-estimer votre langage, car il amène ici des éléments de réflexion qui nous permettent de débattre, et c’est bien là l’une des plus belles vertu de l’être humain : son partage d’idées.

        J’apprécie votre sincérité et votre vision ; nous nous retrouvons sur l’équilibre à trouver entre des notions parfois contradictoires, mais ô combien nécessaires. A chacun de nous de trouver notre propre équilibre.

        Au plaisir de vous lire, ici ou ailleurs.

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  1. Entièrement d’accord avec toi. Il m’a fait rappeler, justement, le roman “Limbo”, de l’écrivain guatémalteque Javier Payeras (1974) que je viens de lire. Un grand merci.

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  2. Si todos los libros que se han escrito fueran none fiction, yo no hubiera leído ninguno después que salí de la escuela. Yo no sería yo si no hubiera leído Los Tres Mosqueteros, Don Quijote, Moby Dick, Romeo y Julieta… La imaginación es mi mundo primario. Concluyo que el conocimiento para mí — como en el caso de la poesía y la música— es valioso solamente cuando me ayuda a entender mejor el valor de lo imaginario.

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  3. Quel est l’objet qui revendique avec succès le monopole de l’existence? La création est la devise de l’existence. Eurêka, trouvé! Precioso. Brillante. ¿Puedo traducirlo en mi blog al español? Merci, Jean-Paul.

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  4. Reblogged this on Saludo al sol (Novela) por Leon Alair and commented:
    Es necesario crear, mucho más que luchar
    Por Jean-Paul Galibert
    Traducción de Leon Alair

    La creación es más fuerte que la lucha, puesto que no tiene necesidad de violencia, o mejor, puesto que no impone nada, más rica, puesto que produce en lugar de destruir, más existente, en fin, puesto que evita provocar, en ella como fuera de ella, la más pequeña nada. La creación, por sí sola, permite renunciar a la tentación de la nada: la del recurso a la nada para luchar contra la nada. Ahora bien, anonadar la nada sería hacerla triunfar. Ninguna nada es necesaria, ningún contacto con la nada, tal es la divisa de la existencia, posible por la creación. No es necesaria y tampoco podemos suprimirla, puesto que crear significa ya abolirla. Crear es ser el barquero, ése gracias al cuál el pasado pasa.

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  5. En première approche, je vous suis : le concept de création semble renvoyer à une positivité, celui de lutte à une négativité. En ce sens, l’art serait plus fécond que le syndicalisme, par exemple. L’un crée du nouveau, l’autre s’attaque à ce qui est déjà là, et se perd dans le conflit éternel.
    Mais dans la mesure où la lutte vise à modifier, à transformer ce qui est, ne peut-on pas dire qu’elle cherche elle aussi à faire advenir de la nouveauté ? Cette seconde approche aurait l’avantage de prendre en compte le témoignage subjectif des militants, qui disent se “réaliser” ou se sentir exister dans leurs combats. Du coup, on s’orienterait vers une interprétation hégélienne du concept de lutte, entendue comme négativité dialectique qui, aux prises avec la réalité, l’affronte pour faire émerger un nouvel état des choses.
    Bien à vous,
    http://parachrematistique.wordpress.com/

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  6. Très juste, je ne peux qu’être d’accord. Et si je ne craignais pas d’en faire une habitude (ceci dit avec un clin d’oeil) je vous “reblogerais” encore afin que mes lecteurs en prenne connaissance aussi. Merci pour cette réflexion.

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  7. Je suis d’accord mais pas complétement avec cette partie : ” puisqu’elle produit au lieu de détruire” puisque je suis d’accord avec l’idée de destruction créatrice de schumpeter (eh oui mon coté étudiante en économie me rattrapera toujours^^) En tout cas très belle pensée

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  8. De quelle création parlons-nous, littéraire, artistique, sociale, sociétale, etc… La création ressort rarement d’un ensemble, création est synonyme d’une expression indépendante (ou de la recherche d’individualisme) a contrario de la conformité sociétale du moment. Création,dans ce sens, est expression de lutte envers l’autre – les autres – et leur conformisme.

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  9. Lutter engendre des forces de réaction contraires, de la résistance. La création peut tout aussi bien emporter, accompagner même si elle fait parfois naître la polémique, quelle que soit sa forme. Elle touchera d’autant son public qu’elle n’imposera rien mais proposera sa vision, où chacun est libre d’y saisir ce qui lui convient. Créer nourrit bien mieux la vie par essence même.
    Merci de nous l’offrir avec vos mots et votre regard.

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  10. C’est pourquoi la créativité est devenue subversion dans notre monde contemporain si elle ne s’aliène pas dans les méandres d’un système dont la finalité est forcément nihiliste. Créer un système pour légitimer le nihilisme d’un mode de vie est bien vu; créer un nouveau procédé visant à la destruction est sublimé…Créer un système visant à alléger les maux du monde peut vous mettre face aux forces du nihilisme et de la destruction…Je m’écarte du sujet mais je pense que votre texte m’a ouvert les yeux. Merci!

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  11. (…)
    “Amé: Qu’est-ce que tu veux faire?
    Simone: Partir!
    Amé: Partir pour où?
    Simone: N’importe où! Hurler des phrases plein les vallées, poser des bombes!
    Amé: Pendant la guerre, je posais des bombes!
    Simone: La bombe que je veux poser est plus terrible que la plus terrible des bombes qui a explosé dans ce pays.
    Amé: On en posera dans les autobus, dans les restaurants…
    Simone: Non! Cette bombe ne peut exploser que dans un seul lieu. Dans la tête des gens.
    Amé: Qu’est-ce que tu veux dire?
    Simone: On va aller raconter des histoires. Tout ce qu’ils veulent nous faire oublier, on va l’inventer, le raconter! Ils seront obligés de nous arracher le visage!”
    (…)
    Wajdi Mouawad, “Littoral – Le sang des promesses / 1”

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  12. J’imagine qu’il faut sous-entendre création artistique. En effet, je vois mal votre propos s’appliquer à Oppenheimer, père et créateur de la première bombe atomique.

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  13. Je trouve cette phrase absolument splendide : “Créer, c’est être le passeur, celui par qui le passé passe.”

    A chaque fois que l’on crée, le passé, que l’on ne peut effacer, s’adoucit.

    Grâce au passé, il y a création.
    Le passé est créateur et, … passeur de création.

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  14. La lutte a toujour besoin de la construction, si on veut que la lutte persiste pour plus q’une semaine. La lutte quand la lutte est revolutionaire faut etre instituter dans une organization, une structure soit democratique soit paramilitaire, qui fait possible les action collectives organize et orchestre. La lutte a parfois besoin des armes, et les armes ne se construisent eu memes, mais ils faut etre produit ou acheter – et l’argent pour les acheter ne vient pas de nullepart.

    En plus, la construction, meme non associer avec la violence, peut etre lui meme un forme de lutter, come dans le cas des village de Bedoines qu’ils construit des myriads de fois, et qui sont detruit chaque foit par les zionistes. Par example, la village d’al-Aaraqeeb – http://en.wikipedia.org/wiki/Al-Araqeeb.

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  15. Créer un code, comme celui qui suit, destiné à occcuper les vides de sens, réarchitecturer les savoirs entre eux, engage le créateur à rester une certaine durée dans un vide, ignoré des encodeurs du présent et de ceux des passés. De cela les créateurs doivent être prévenus, la détention d’une mécanique linguistique inhabituelle, dans un monde où les codes langagiers, les systèmes de pensées, les habitudes comportementales, sont destinées à une consommation sans réflexion, emprisonne les décodeurs plus que les encodeurs classiques. Alors il ne reste qu’à travailler hors la classe, en école buissonnière et chercher la nourriture sociale, financière, là où elle a été perdue, récupérable, pour subsister.

    Je maintiens qu’à travers le « sursoi », considéré comme l’espace individuel entre soi et le monde extérieur, faisant pression sur soi, et l’ « ensoi » considéré comme l’espace personnel entre soi et son monde intérieur, où les pulsations de vie se manifestent, il est possible de proposer une logique verbale permettant de décrire l’articulation de l’ensemble des valeurs économiques et sociales, humaines et naturelles, matérielles et immatérielles, objectives et subjectives, réelles et irréelles, rêvées et imaginaire, architecturées entre elles en un système structuré, et organisées entre nous. Il est supposé qu’aucune valeur n’est irréelle, qu’elles ont toutes une part de réalité. Parce que pour penser l’irréel, il faut d’abord penser, ce qui est en soi un acte dont le résultat a une part réelle, l’agitation de nos méninges, et une part imaginaire, le résultat de l’agitation de nos méninges, une image mentale, un souvenir.

    Par convention initiale, le travail s’effectue en considérant, par rapport à soi même, et en première approche, les objets matériels réels comme des avoirs en substances, les objets matériels imaginaires, comme des programmes en images, les objets immatériels réels comme des concrétions émotionnelles, et les objets immatériels imaginaires, comme des impressions d’informations. Les sujets matériels réels sont considérés comme les instances des êtres, les sujets matériels imaginaires comme des représentations de projets, les sujets immatériels réels comme des abstractions sentimentales et les sujets immatériels imaginaires, presque irréels, comme des expressions de symboles.

    Yves Krézalek

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  16. Créer c’ est enfanter. C’ est un acte qui permet de faire surgir quelque chose de l’ordre de l’expression de soi. Créer, bien plus que lutter ? Oui, assurément, tout comme créer peut devenir l’instrument d’une lutte pacifique et constructive, à l’instar des graffitis sur les murs ou des “battles” de danses de rue, entre autres.

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