Fondé sur la rentabilité de l’imaginaire, l’hypercapitalisme est un mode de destruction

“C’est le principe de l’hypertravail: celui qui imagine ajoute de la valeur à la chose, la valeur du temps qu’il a passé à en imaginer la valeur, l’usage et les qualités. Il ne voit donc pas d’objection à payer ce supplément de valeur au juste prix de sa force de travail, en sorte qu’il accepte de donner à la même personne à la fois son travail et son argent.

L’hypertravail est le mode d’exploitation le plus rentable, car (…)  vous acceptez de payer le travail que vous avez effectué en augmentant par votre imagination la valeur de la marchandise à vos propres yeux. L’hyperexploitation du consommateur (…) est hyperrentable, car le travail de l’imagination est le premier travail payant de l’histoire de l’humanité.

(…)  pourquoi le consommateur accepte-t-il de travailler pour le vendeur, et ensuite d’acheter ? Pourquoi donne-il deux fois la valeur de la marchandise, contre rien ? Simplement parce qu’il paye la marchandise au juste prix de son propre travail imaginaire. Il voit bien la valeur supplémentaire qu’il a mise lui-même dans la marchandise, au point qu’il l’achète comme une réalité. C’est parce qu’il est doublement exploité qu’il n’a pas l’impression de l’être, du simple fait que ces deux exploitations sont exactement égales, et que cette égalité peut être vécue comme une justice.

L’hypertravail est votre dernière chance d’exister, la seule porte qui vous soit laissée, car il est le seul mode d’accès à l’hyperréel, que nous tenons désormais pour ce qu’il y a de plus réel. Tous les écrans vous donnent à voir, mais seuls les écrans vous donnent à voir. La conséquence, c’est que vous pouvez tout voir, mais rien avoir : c’est cela l’hyperréel : la conviction où nous sommes que les images et le virtuel sont ce qu’il y a de plus réel, parce que c’est ce qu’il y a de plus rentable, de plus valorisé et de plus spectaculaire. La télévision, l’ordinateur, le téléphone portable deviennent des instruments de capture du temps de travail du consommateur, l’hypertravail, le plus rentable de tous les temps de travail.

L’hypercapitalisme en tire les conséquences : tout le reste doit disparaître ! Il faut démanteler le capitalisme et le vendre pièce par pièce, au prix de la ferraille et des chômeurs. Les usines rentables devront fermer, les travailleurs productifs seront licenciés, tout sera sacrifié à la nouvelle hyperentabilité.”

Ce texte est un extrait de Suicide et sacrifice. Le mode de destruction hypercapitaliste de Jean-Paul Galibert. Ce livre va paraître aux éditions Lignes, le 24 novembre.

18 thoughts on “Fondé sur la rentabilité de l’imaginaire, l’hypercapitalisme est un mode de destruction

  1. Quizás lo que Usted denomina destrucción sólo es cambio, mutación, evolución, adaptación al medio. Lo que fúe deja de ser; ¿por qué lo irreal debe ser destructivo? Sólo sí la mente quiere lo será, es cuestión entonces de gestionar bien la información y administrarla en beneficio de uno. Es un reto a la inteligencia.

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      1. Ou comme le développe Slavoj Zizek, qui parle lui de ” réel barré “. Peut-être serait-il plus juste de parler de ” réel fermé “. Le temps où le réel devient telle une fiction, ou un dessin animé.

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  2. ” Il faut démanteler le capitalisme et le vendre pièce par pièce, au prix de la ferraille et des chômeurs. Les usines rentables devront fermer, les travailleurs productifs seront licenciés, tout sera sacrifié à la nouvelle hyperentabilité. »
    Encore un jour et je pourrais trouver votre livre…

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  3. Bonjour Jean-Paul
    Ce que vous dites est très juste , sauf que quand tout le réel productif aura disparu , le capitalisme disparaitra et on recommencera comme au début du monde . De nouveau on verra des chercheurs découvrir de nouvelles choses , sans argent dans des taudis , des hommes réinventer un nouveau monde qui reviendra petit à petit ce monde de fou d’aujourd’hui
    Cordialement

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  4. J’aime beaucoup ce que je lis…
    Mais j’ai tout de même l’impression que vous manipulez le réel et l’irréel comme nos scientifiques manipulent la matière et l’antimatière !
    Vous estimez que nus ne sommes que des images, constat que j’ai moi même fait il n’y a pas si longtemp que cela. vous dîtes que les images que nous montrent les écrans ne sont irréelles, bien qu’elles soient vendues comme réelles, et dénoncez la supercherie… Pourtant celles-ci ont une existence, une période, des dimensions. Que cela soit la péllicule cinéma, le téléviseur plasma, le numérique. La pellicule est une subtance de composés chimiques, organiques et minéraux. Le numérique une systèmatique quantique dont la base et l’atome, si ce n’est la particule élèmentaire… Nous sommes composés d’exactements par ces mêmes facteurs.
    Dans votre texte, vous semblez rejetté toutes société moderne et industrielle en confondant le capitalisme avec la politique monétaire, si ce n’est le prix de vente ou le prix de revient de l’investissement… votre univers est semble-t-il un sacré dualisme entre matérialisme et idéologie, spiritualisme, dans lequel Il apparait, qu’il vaille mieux ne rien faire plutôt que d’avoir une activité professionnelle, parce que la valeur du produit. La valeur travail, n’a plus de base la valeur utile ou la valeur usage d’un marché de l’offre et de la demande, parce que ce produit n’a d’utilité que l’inflation provoqué par l’imagination du coût du travail que l’on attribue à ce produit, étant donné que nous ne travaillons pas pour le créer, le concevoir !
    Je comprend mieux pourquoi vous avez intitulé votre oeuvre Suicide et Sacrifice.

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  5. Le manuel va devenir une denrée rare, ce qui devrait pousser certainEs à se reconvertir, car on aura toujours besoin d’un plombier, d’un électricien, de toutes les professions du bâtiment. On ne peut pas bâtir un monde que sur du vent…ce serait la perte de l’humanité…si elle est à sauver

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  6. En lisant le résumé de votre thèse… Je songe à sa lecture…
    La lecture crée aussi de l’hyperréalisme mais au lieu de nous détruire, cet autre réel nous enrichit. Lire nous enferme dans une simulation d’existence qui n’est pas notre propre vie mais cette immobilité forcée ne nous détruit pas. Elle nous multiplie.
    Lire n’est pas vivre et paradoxalement je n’ai jamais aussi bien vécu, aussi intensément, qu’en lecture… La passion pour cette activité nous retire du monde réel, nous retarde dans les occupations du ménage ou dans les travaux de notre métier… et nous inscrit dans une autre réalité, nous fait vivre par procuration… Lectrice, je ne suis plus moi mais l’auteur ou le héros… Je suis vous. Or je serai déjà plus que j’étais… quand je fermerai le livre ou ce blog.
    Cet état de “retranchement productif” pourrait se vivre (!) en dehors de la société de consommation… or chacun sait qu’il n’en dépend que trop.
    Vive les liseuses numériques, par lesquelles l’hypercapitalisme restaure l’acte de lecture et qui permettent de transporter une bibliothèque dans la poche! Quel dommage qu’il soit nécessaire d’en recharger régulièrement la batterie…
    Finalement plus que la volonté de s’enrichir, ne serait-ce point la “fée électricité” qui nous drogue? Ou le progrès tout simplement… Comme SuleauGeorges a raison!

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  7. Bonjour,
    Vous agitez des sujets intéressants et je vous mets en favoris, merci d’être si fidèle à mon blog.
    Le livre que vous publiez intéresse un ami économiste stratège qui chronique régulièrement dans ma rubrique “économie”. Peut-être un accès PDF ou équivalent en service de presse lui permettrait-il de faire un compte-rendu de votre ouvrage ? Je vous donnerai ses coordonnées si cela vous agrée.
    Ou peut-être voudriez-vous écrire une note vous-même pour le présenter sur mon blog ?
    Bien à vous,
    Argoul

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  8. Wow. Je suis soufflé par cette réflexion. En voilà une qui m’interpelle! Je vais essayer de me procurer votre livre…

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  9. Acheter pour son bienêtre, son plaisir ne fait de tort à personne à partir du moment où nous gérons notre propre situation de besoins.. Le problème est que le commun des mortels s’est laissé entrainer dans l’hyper besoin, l’hyper consommation…quelle vanité!

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  10. as i was reading the rough google translation, i kept thinking of the parallel to the fed reserve bank and how it created the 1st false value for the fledging u.s. nation by which all the other ‘values’ were to be measured. i dont know why…perhaps its a stretch but only because now we have all of the ‘bells and whistles’ as you describe..
    this excerpt is a succinct description of the reality we are zooming through, for sure. thanks.

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  11. La massima ricchezza dell’azienda, oggi della multinazionale, mai coincide con il miglior benessere dei cittadini! Chi sa chi lo disse? Vi aiuto, la frase fu pronunciata nel 1924.

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  12. parfois aussi, le travailleur refuse d’acheter le produit qu’il a fabriqué, car lui, il a le réel sous les yeux, il ne l’imagine pas et par conséquent il sait… tout ce qui se cache derrière le produit vanté par la pub et le marketing.

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