L’hypercapitalisme: sécurité ou enfermement?

“Comment vivre en sécurité ? Mais en restant chez vous ! La sécurité, c’est l’enfermement ! Faites comme en cas d’alerte chimique, bactériologique ou nucléaire : mettez de l’adhésif aux fenêtres et écoutez la radio ! Laissez les spécialistes s’occuper du réel, qui est si dangereux… Profitez chez vous du virtuel, en toute sécurité…

L’hypercapitalisme est l’alliance du fauteuil et de la prison : il a inventé le nomadisme canapé-zapette, le sport divan-canette et le surf sur Internet. Tous les écrans vous le disent : asseyez-vous, et vous verrez toutes les images ! Toutes les entreprises le murmurent : restez chez vous, et nous vous livrerons le monde. L’hypercapitalisme a remplacé le réel par l’image, et la raison, par la livraison.

Et gare à ce qui s’approche sans que vous l’ayez commandé : ce ne peut être qu’une soudaine intrusion d’un dehors ! Une sournoise invasion du réel dans mon monde ! Une immigration clandestine de réalité… Seul peut nous sauver l’isolement complet, définitif, où plus rien ne peut plus nous arriver. Peu à peu le caveau devient notre idéal de sécurité.”

Ce texte est un extrait de Suicide et sacrifice, de Jean-Paul Galibert. Ce livre va paraître aux éditions Lignes, le 24 novembre.

26 thoughts on “L’hypercapitalisme: sécurité ou enfermement?

  1. j’aime beaucoup, c’est parfaitement vrai et effrayant! On surfe en plus sur nos peurs, pour nous vendre encore et encore, le capitalisme se nourrit de nos peurs, que l’on apaise en achetant des trucs qui ne servent à rien…

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  2. Très juste. Il est désormais d’une intrépidité folle d’aborder quelqu’un dans la rue, surtout s’il est du sexe opposé, de vouloir lui parler, pire encore : de vouloir converser. Si vous n’êtes pas dans sa liste d’amis Facebook ou MSN, il vous toisera de la tête aux pieds, avec crainte, comme s’il venait de tomber sur un dangereux extra-terrestre. Je tâcherai d’attraper votre bouquin.

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  3. Bah, je n’ai même pas la télé et des tas d’occupations qui font que je suis rarement devant un écran…….par contre, j’ai des voisins que j’évite de croiser. Bref, la violence enferme elle aussi 😉

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  4. La sécurité n’est sûrement pas dans l’enfermement. Quand on s’enferme, on le fait rarement seul. Nous accompagnent alors nos peurs, nos doutes, nos suspicions, nos tergiversations, notre imagination débridée du côté obscur de la force. Nous ne sommes jamais seul quand nous nous enfermons et c’est ce qui nous détruit peu à peu…
    L’être humain a besoin de contact, de chaleur humaine, d’échanges, de toucher, de parler, de voir, d’entendre l’Autre, les autres, le monde.
    Oui l’hypercapitalisme nous enferme pour mieux nous séparer, mieux nous manipuler. Quoi de plus facile que de faire croire ce que l’on veut à quelqu’un qui est coupé du monde et qui vit avec ses peurs?

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  5. Mais … mais mais mais c’est grâce à Facebook ( oui, oui ) que j’ai retrouvé ma petite fille perdue depuis dix ans : qui dit mieux ?
    Mais je sais que pour ce beau cadeau (gagné de haute lutte merci ma persévérance) je suis d’accord à cent pour cent avec ce que vous dites sur l’alienation – j’en rajoute : il faudrait aussi insister sur le coté insidieux de l’affaire, sur la satisfaction de notre paresse, sur les besoins créés par et pour l’ecran, etc..
    Plus le cote voyeurisme, dont on parle peu.

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  6. N’ayez pas peur par Frédéric Lenoir

    “N’ayez pas peur ! » Cette injonction revient trois cent soixante-cinq fois dans la Bible. Dans l’Ancien Testament, Dieu parle ainsi à ses prophètes pour les rassurer contre la terreur qu’ils ressentent à s’approcher du Créateur. Cet appel à dépasser la peur traverse tout l’Evangile dans un sens plus large et concerne davantage la peur de l’autre. N’écoutez plus la voix de la peur mais celle de l’amour, dit le Christ en substance. Partagez, même si vous avez peur de manquer ; donnez à ceux qui vous réclament, même si vous craignez qu’ils vous importunent encore ; accueillez l’étranger, même s’il vous fait peur ; sortez du repliement sur vous-mêmes et ouvrez grand votre cœur. L’amour est présenté par Jésus comme l’opposé et l’antidote de la peur, qui gouverne spontanément le cœur de l’homme, lequel ne sera jugé que sur l’amour.

    C’est tout le sens du message évangélique, résumé dans la célèbre scène du Jugement dernier : « Venez à moi les bénis de mon Père, car j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger, j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire, j’étais un étranger et vous m’avez accueilli, nu et vous m’avez vêtu, malade et vous m’avez visité, prisonnier et vous êtes venus me voir » (Matthieu, 25, 35). Depuis le XVIIIe siècle et les Lumières, ce message s’est laïcisé, inspirant le discours des droits de l’homme et devenant la substance même des valeurs du socialisme.

    Sociologue et spécialiste des religions, Frédéric Lenoir a notamment dirigé L’encyclopédie des religions (Bayard), et publié La rencontre du Bouddhisme et de l’Occident (Fayard).
    « N’ayez pas peur ! Entrez dans l’espérance ! » Lorsque j’ai entendu, au soir du premier tour de l’élection présidentielle, le leader du Front national faire allusion aux paroles du Christ, reprises par Jean-Paul II au début de son pontificat, j’ai eu froid dans le dos. Car si le socialisme s’imprègne des valeurs évangéliques en oubliant la source, ici on cite la source en tournant le dos aux valeurs. « N’ayez pas peur ! » dans la bouche de M. Le Pen, cela devient l’inverse de l’Evangile. Ne tremblez plus devant la menace immigrée ! Si nous sommes élus, nous bouterons les Arabes et les étrangers démunis hors de France comme jadis Jeanne d’Arc bouta les Anglais ! Nous rétablirons la peine de mort et mettrons un gardien de l’ordre à chaque coin de rue ! Comme l’ont souligné plusieurs évêques, rien n’est plus opposé au programme du Front national que le message évangélique.

    La notion de “préférence nationale” est fortement combattue par le Christ. Scandalisant ses disciples qui, au nom du privilège de la nation israélite, ne peuvent admettre que la bonne nouvelle du salut soit annoncée aux nations païennes, Jésus proclame une religion universelle, où il n’y a plus de discrimination entre les hommes, où tous, quels que soient leur pays ou leur race, sont appelés au même salut. Après la mort du Christ, Paul devra encore lutter pour imposer cette vision face au scepticisme des apôtres : « Il n’y a ni Juif ni Grec ; ni esclave ni homme libre ; ni homme ni femme ; car tous vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus » (Galates, 3,28). M. Le Pen a le droit de penser et de dire ce qu’il veut, mais qu’il cesse de faire référence aux Evangiles, qui condamnent sans appel son message.

    Frédéric Lenoir

    Juin 2002

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  7. Je ne sais quelle meilleure réponse apporter à ce texte d’introduction sinon le relayer sur nos pages sur le mur latéral dans la rubrique “mauvaises intentions:Action!”où il restera visible, lisible et accessible pendant plusieurs semaines. Et toutes nos salutations à chacun/chacune ici. (Steph)

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  8. J’aime beaucoup… Mais je ne suis pas sûr de tout bien comprendre ! Bien sûr, il me faudrait acheter votre livre pour cela, ce que je ferais surement avec plaisir. Pour mieux comprendre ce que vous désignez par capitalisme, ainsi qu’isolement ? Parce que j’ai l’impression sur ces quelques phrases que tout ce que j’ai pus apprendre des livres sur l’économie, écrient par des économistes des personnes dont le métier est d’enseigner l’économie, n’a plus rien de réel…
    J’aimerais bien connaître l’identité de ce IL ! Se pourrait-il qu’en tant que lecteur, je puisse découvrir que cela soit MOI, le moi de ma conscience, de cette conscience collective ?
    Alors peut-on être isolé en communauté ou non… C’est un débat philosophique qui peut-être fort interessant, quand nous prenons réellement conscience de ce qu’est l’espace-temps !
    Qui donc à déclaré la dernière guerre thermonucléaire, qui a fait renaitre l’univers dans un somptueux et éternel big bang…

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  9. Moi, j’aime bien le com d’Elisabeth Berger. Parce qu’en somme, quelle alternative nous propose-t’on aujourd’hui, où tout se dénonce, où tout le monde se plaint, mais qui agit? Vous savez, la toute petite action,, initiative qui contient en germe un soupçon de désobéissance ? Le grand méchant loup du capitalisme doit-il affoler les chaperon rouge ? Il n’y a pas que dans les contes que l’humain peut gagner….qui nous demande d’accepter ? 🙂

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  10. On est dans la même énergie et avant de lire vos deux dernières réflexions j’ai visualisé une vidéo sur l’espionnage au quotidien.
    Actuellement je n’ai plus de portable , j’ai laissé épuisé ma puce a carte sans l’avoir réactivé et je suis très bien comme ça. J’ai aussi découvert que les cartes de fidélités dans les supermarchés , c’était encore une autre forme de pister le consommateur. Il y a quelques années j’ai perdu la carte avec a mon actif presque 3000 points et a été retrouvé à 80 km de chez moi et évidemment les points avaient été utilisés. Il y avait aucune protection à l’époque lorsque l’on égarait sa carte. Avec le recul je comprend mieux aujourd’hui , les points sont juste une façon d’attraper le Poisson que nous sommes et de l’envoyer dans l’aquarium pour mieux le contrôler.
    Le magasin que j’ai choisi ne demande pas d’adhérer a une carte de fidélité, mais il est vrai que de faire ces achats avec la carte de bleu c’est une autre façon d’être pisté et en plus elle n’est pas gratuite ….

    Depuis peu dans les magasins il est organisé des jeux et si vous n’avez pas la carte , vous ne pouvez pas y participer …. trouver l’arnaque ….

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  11. Sur la spatialité nouvelle apportée par l’hypercapitalisme : des non-espaces, des non-frontières, davantage “borders” que limites, allons farfouiller du côté de David Harvey (Géographie et capital, Géographie de la domination), Jean Pierre Garnier (Une violence éminemment contemporaine), et surtout le grand Henri Lefebvre…

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  12. Un texte très juste et bien écrit qui donne envie d’acquiescer. Et si je le fais volontiers (de peur, peut-être de m’enfermer), je veux tout de même ajouter que notre enfermement est un vrai don du ciel pour le système mais que nous en sommes responsables. En sortir ou s’enfoncer, c’est un choix culturel que personne n’assume.
    Le monde se transforme est on se dit toujours que c’est la faute des autres.

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