André Breton se délectait d’un bon mot, qu’il cite dans son dictionnaire de l’humour noir : « Le couteau sans lame dont on a perdu le manche ». Il apparaît ainsi, et fort gaiement, que le langage évoque sans effort ce qui n’existe pas : il peut même, comme dans cette formule, supprimer progressivement toute l’existence d’une chose, et en même temps la désigner sans subir la moindre contradiction. On se prend à soupçonner que sans doute, s’il n’y avait plus rien, le langage pourrait continuer à fonctionner comme si de rien n’était.
Et c’est justice, vu la nature même du langage. Car qui, sinon lui, a dénommé le couteau dans sa totalité? Qui, sinon lui, a distingué les parties du couteau, en désignant la lame et le manche ? Qui, sinon lui, les a retranchées par la négation, ou l’énoncé de la perte ? Qui, sinon lui, a implicitement formulé le paradoxe du couteau sans aucune partie? Au bout du compte, qui, sinon lui, évoque ce couteau impossible qui n’existe pas, et qui existe seulement parce qu’il l’a tout à la fois créé et résorbé ?
Prenez une chose, et mentalement enlevez tout. Otez ses parties une à une et observez ce qui reste. Ne dites pas trop vite qu’il ne reste rien, comme tous ceux qui ne voient pas le langage. Auriez-vous tout supprimé qu’il resterait la consigne verbale que je vous ai donnée, et tous les efforts de votre imagination pour l’exécuter. Le langage est ce rien qui demeure lorsqu’on enlève tout le reste.
Il est le bord ultime, l’anse, le bord qu’on ne peut ôter sans que la chose disparaisse absolument. Le langage est le bord du rien : il est ce qui le retient. il est tout ce qui le distingue du néant. La mort complète survient longtemps après la vie : c’est quand le nom lui-même s’efface de la tombe.
Si la loi du nombre,
Des maths et de la géométrie
Est idolatrie,
Alors le rien nous parle d’ombre.
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Comme le silece, la nuit, ou le désert…
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La nuit, je m’en vais danser au-dessus des marais.
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Pour ma part, je pense que la mort n’est jamais complète. Même si un nom s’efface, il reste quelque chose de nous dans ceux qui nous ont cotoyés. Nous ne sommes jamais “rien” 🙂
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Bravo pour ce très beau texte qui, en donnant de l’espoir à travers les mots et l’écriture face au néant, fait écho à un autre texte d’André Breton – “Nadja, parce qu’en russe , c’est le commencement du mot espérance.”
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Ce langage, paré sous votre plume d’atours bien jolis, me fait étrangement penser à ce concept dont certains usent à merveille pour semer le désordre (hélas ! pas celui créatif du chaos), la discorde et la haine. Je parle du Verbe divin.
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Encore un post à double tranchant, oui au langage et surtout au Verbe créateur mais le silence qui est d’or, tandis que la parole n’est que de l’argent.
Vous l’évoquez d’ailleurs dans votre commentaire, alors ?
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Je vous trouve un peu creux !!!
Vous n’avez pas de bol !!!
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Socrate se voulait creux
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L’immatériel aussi n’a pas de bol.
Est ce parce qu’il a le divin triste?
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“Un corps est ce qui remplit un lieu”
“The terms quantity, duration, and space are too well known to be susceptible of definition by other words.
Def. 1. Place is a part of space which something fills evenly.
Def. 2. Body is that which fills place.
Def. 3. Rest is remaining in the same place.
Def. 4. Motion is change of place. (Hall, A. R. and N.B. Hall, eds., Unpublished Scientific Papers of Isaac Newton, Cambridge University Press, 1962, 122) ”
samedi 13 février 2010
Newton-Einstein Une réponse à E Hussam Sababha (Al – Manhal International School) sur Facebook
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Donc les lieux sont creux…
Toutes vos définitions sont hantées par ce creux…
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Texte très intéressant !
“Prenez une chose, et mentalement enlevez tout. Otez ses parties une à une et observez ce qui reste. Ne dites pas trop vite qu’il ne reste rien, comme tous ceux qui ne voient pas le langage.”
De mon point de vue, il resterait l’essence même du concept couteau, une sorte de couteau “intélectuellement astral” créé par l’énergie même de notre imagination et de notre concentration sur l’idée. Alors certes, il ne reste rien de palpable du point de vue de la raison, mais une énergie diffuse et subtile qui disparaîtra dès l’idée oubliée dans notre esprit.
C’est pour ça que je ne dirais pas, personnellement, que les mots sont le dernier rempart avant le vide. Car on peut percevoir des énergies sans pouvoir les comprendre du point de vue de la raison et les mots nous échappent pour les définir. Les mots ne peuvent parfois les décrire.
Ainsi pour moi, les mots sont le dernier rempart de la raison et de la conscience, peut être le dernier garde fou du monde terre à terre. Et la perception du subtil (même indéfinissable) le dernier pas avant le ravin du néant…
Notion très intéressante à explorer et débattre !
Cel
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et si l’imagination était une fonction du langage?
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Moi, je ne sais pas, j’apprends …très doucement, et juste parce que c’est un plaisir gourmand, les mots….et une terrible présence, addictive et ineffaçable, même des tombes …
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jolie chute ❤
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très jolie réflexion. c’est probablement pour cette raison ue l’on bavarde, faire surgir encore plus de vie, la recueillir du bout de ses lèvres, la garder dans son imagination comme une danse…
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Génial, c’est vrai! Le langage est le bord du rien, mais non seul: il est aussi et sourtout la voie de sortie du rien. Est-ce-qu’il y a une manière d’y réentrer, ou nous sommes obligés à rester dans le langage?
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Le mot du début à tout … Le mot lui-même comme étant, ou pouvant, dans … Le mot lui-même comme un instrument d’idées.
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J’aime bien la manière dont vous jouez avec les mots. Le langage n’a pas besoin du réel pour exister. Magritte l’a bien illustré en niant l’objet peint. Si c’est un paradoxe, il doit y avoir quelque chose qui cloche?
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Comme les politiques, des promesses oubliées, des images disparues, et même pas des regrets de l’autrefois
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J’aime ni parler de rien ni qu’on parle de rien …sourire
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Je sais parler de rien… Je suis une femme. 😉
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Je sais parler de rien parce que je sais ne rien dire…
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C’est un talent marquant
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