Faut-il attendre le soir?

Le soir commence lorsque les voitures se font rares. C’est une expérience de l’infini comme temps. Car on sent bien, en attendant, qu’il n’y a au fond aucune raison pour qu’une voiture passe. On sent qu’avec la nuit vient le moment définitif où aucune voiture ne viendra plus. Et peut-être est-ce là l’infini, cette lente et inexorable approche de l’absolue finitude. Peut-être que le seul infini est la certitude que bientôt, il n’y aura plus rien.

On n’est jamais qu’à quelques heures du désert. Il suffit de se mettre n’importe où et d’attendre pour qu’invariablement le désert se produise. Mais le bord de route sans voiture est plus désert que n’importe quel désert, parce que le passage des voitures qui ne passent pas est gravé dans le sol : tout est conçu, ici, pour ce passage qui n’a pas lieu. C’est un désert désaffecté.

16 thoughts on “Faut-il attendre le soir?

  1. Le soir commence
    J’attends le silence
    Désertée de toute passion
    Qui me donnera satisfaction
    De comtempler l’infini du monde
    Ses myriades de rien à la ronde.

    Alors je plonge dans la nuit
    Le présent pour sauf conduit
    Tous les astres me réclament
    C’est doux, frais et calme
    Que c’est bon… c’est bien
    Tout est néant, je lui appartient.

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  2. Mais ce “bientôt, il n’y aura plus rien” ne se présage pas. Une voiture peut de nouveau passer. Je ne peux pas avoir la certitude du rien. La nuit passée à attendre, pour me dire au petit matin, si aucune voiture n’est passée, “il n’y a rien eu, j’ai donc fait l’expérience du rien”, est vaine. Car une voiture aurait pu passer. C’est entre ce désert du conditionnel et ce futur qu’on n’attend plus, que n’existe peut-être rien d’autre que le rien.

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  3. Vous avez choisi arbitrairement de poser le tableau dès le départ.. mais rien n’est jamais établi.. il y a un facteur temps, oui, mais il y a aussi un facteur espace.. Si vous vous positionnez dans un lieu très fréquenté la nuit, vous ne ressentirez pas à ce point le vide de l’absence.. ou bien vous le sentirez encore bien plus.. simplement parce que ce ne sont pas les présences qui vous rendent si malheureux, mais la présence.. le véhicule.. la personne qui conduite ledit véhicule……et là, les données sont quelque peu différentes.
    Non, ce n’est pas pareil de partout : tout est identique mais tellement différent, selon le désert dans lequel on vit… le pb, c’est que le désert, il n’est pas forcément sur la route……..et même si tout est conçu pour qu’elle passe, tout est prêt pour qu’elle passe, tout est dans l’attente de son potentiel passage…et si elle ne passe finalement pas..

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      1. Pas vraiment.. ce serait plutôt une forme affirmative et pas interrogative : une simple constatation…. je peux développer si vous voulez..

        Il existe toujours tant de façon de considérer les choses de la vie.. un verre à moitié plein peut être vu comme un verre à moitié vide.. tout autant que la nuit a de nombreuses façons d’être vécues..

        on peut y voir le meilleur moyen de se rapprocher de Dieu.. (le silence relatif de la nuit est propice à la méditation et à la prière)
        on peut y voir les milliers d’étoiles scintillantes..
        on peut y voir la peur, ou la frayeur de ne pas de réveiller.. (pb d’insomnies que l’on rencontre si souvent dans le cadre de soins palliatifs)
        on peut y voir la solitude.. l’absence.. malgré toutes les étoiles, malgré toute la beauté des cieux..
        et on peut se sentir enveloppé, enfermé comme dans une sorte de prison (le coeur de la nuit est si noir qu’il nous enferme parfois…..)

        comment la voyez vous ?????????

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  4. il n’est pas nécessaire d’attendre le soir, pour que les routes soient désaffectées. Tout dépend du lieu où nous sommes. Ce désert, je le connais parfois même en pleine journée, il est sur la route et en moi. Mais j’ose toujours croire que demain, surgira quelque chose de nouveau.

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  5. Le sentiment de plénitude:
    – Avoir un sentiment d’entière satisfaction physique et morale.
    – La totalité des sentiments dont le cœur est rempli.

    Le désert favorise l’accès à ce sentiment tout comme des lieux en altitude (haute montagne) ou bien sur une coque de noix au beau milieu de l’océan (transatlantique ou autre)… L’espace, les confins prêtent aussi à la plénitude.

    Pour la nuit dans le monde urbain, c’est le silence qui devient une sorte de désert. Il est quasi impossible dans une ville d’écouter ce silence hormi aux alentours de 4h59.

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  6. Oui , mais , quelle sérénité , quel calme . ce calme quand même troublé par un véhicule au loin , ou le bruit d’un avion . Mais , par rapport à la journée , c’est vraiment irréel
    Cordialement

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  7. Attendre le soir ? Quand on travaille toute la journée, on y pense forcément. Mais il passe tellement vite. On aime quand même car enfin on peut faire CE QUE L’ON VEUT ! c’est un peu terre à terre mais c’est le meilleur moment. Bonne soirée.

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  8. Ma rue. Une voiture. A cheval. Pas la voiture, c’est trop rare et ma rue est si banale. Une voiture à cheval qui fait les cent pas, du numéro 1 au 99. Le numéro 100, c’est pour le demi-tour. Une voiture à cheval, tous feux éteints. Noire la voiture, pareil le cheval. Mais la nuit, tous les chats étant, possible que je me trompe.
    Pas pressée, la voiture, qui passe son temps en incessants allers retours. Pas pressé non plus, le cocher. Il a tout son temps, il est payé pour ça.
    Et puis un jour, plus rien. Disparue la voiture, disparu le cocher.
    Et disparue la rue, ma rue si banale.

    Le cocher, je l’ai revu plus tard, ailleurs. En train d’aiguiser sa faux. J’ai appris qu’il était payé en âmes.

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  9. “On sent qu’avec la nuit vient le moment définitif où aucune voiture ne viendra plus.”

    J’aime la facilité avec laquelle vous faites abstraction des rondes inopinées de la police.

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  10. l’infini produit des effets différents sur les êtres humains. Il plonge certains dans l’angoisse de la finitude. Et le silence s’apparente alors à la fin du monde. Personnellement je fais partie de ceux qui plongent dans l’infini comme dans un bain chaud. C’est réconfortant. Quand tout s’arrête à l’extérieur, on peut enfin écouter ce qui se passe à l’intérieur. Et ainsi entendre des voix que le bruit des voitures rendent aphones. Merci à vous pour cet agréable texte !

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