Le théâtre de l’infini_____ (Lire Balaert)

Un petit extrait du dernier livre de Balaert, pour se plonger dans la perplexité :

«  – Voyez comment le théâtre vint à Nohant. C’était par une nuit comme celle-ci, fantastique et glacée. La famille joue, une charade, puis une autre, puis un pantomime et une saynète, pour s’amuser. Le temps passe sans qu’on s’en aperçoive. On se grime, on se déguise avec les tissus qu’on a sous la main. Le seul public est un petit chien, et le reflet des six personnes dans une glace…. Ça ne vous rappelle rien ?

La glace ! Le miroir ! Rappelez-vous cette scène que décrit Sand dans Histoire de ma vie, et que je vous ai racontée, tout à l’heure: la petite Aurore joue avec son lapin, devant une psyché qui lui renvoie leurs images, ce qui lui donne à penser qu’elle est double. »

Théâtre et miroirs sont des plans, bien sûr. Des plans de réalité. Mais des plans où d’autres plans se reflètent. Se réfléchissent. Se multiplient. L’infini ne s’étend pas, il rayonne. Le moindre double jeu articule des mondes. Toute relation, peut-être, est jeu d’image, reproduction, reflet. Maya disent les hindous, pour nommer la déesse de l’illusion ; mais son pouvoir sans limite n’est pas dans la fausseté : il est dans le lacis, dans le labyrinthe infini où les reflets s’enchevêtrent. J’ai bien peur qu’il faille voir ainsi n’importe quel monde, à commencer par nous-mêmes.

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9 thoughts on “Le théâtre de l’infini_____ (Lire Balaert)

  1. Eh oui, l’habit fait bien le moine ! Nous jouons effectivement de multiples scènes ou shows pour certains, sur les planches de notre vie. Nous interprétons souvent les scénarii que l’on nous suggère “à l’insu de notre plein” ou volontairement. Mais comment, dans ce cas, retrouver notre vrai moi, que l’on a pas ou si peu connu ? Quels travaux d’Hercule que de défaire ces voiles une à une !

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  2. Il me semble qu’un ouvrage de Clément Rosset traite cette question, “Le réel, traité de l’idiotie” (aux éditions de minuit).
    Je vous cite quelques phrases de l’auteur publiées au dos de couverture, “le réel est ce qui est sans double : il n’offre ni image ni relais, ni réplique ni répit. (…) Traiter de l’idiotie est évoquer le réel. Un réel lointain, car à jamais relégable dans le miroir. Un réel voisin, car toujours en vue.(…)” Le réel est idiot s’il n’a ni double ni reflet, peut-être y a-t-il dans le réel quelque chose qui ne peut ni se réfléchir, ni se refléter : l’absence de reflet (donc de réel)?

    Je tiens dans la main une pierre taillée de 250 000 ans, préservée des âges et en provenance d’Afrique, que j’ai achetée à un ami. Est-ce un exemple d’idiotie? Comment puis-je me refléter (me reconnaître) dans cette pierre, première des premières traces humaines; je ne peux pas savoir, je peux juste supposer. Mais ce n’est pas moi complètement, ce bel objet. Deuxième idiotie, qu’elle ait été achetée, que j’ai pu lui donner un coût, en évaluer une valeur pour autant inestimable. La vie n’a pas de prix, mais ça aussi c’est l’idiotie du réel, je peux réduire ce temps humain, cette trace humaine, à quelques “euros”, quelques “dollars”, à un objet mis en vente.
    Le réel, cette idiotie.

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      1. Oui c’est cela
        idiots parce qu’on ne peut pas se séparer de lui
        du réel
        qui nous est commun

        merci de votre réaction.

        Ce n’est peut-être pas le bon endroit pour en parler mais ces quelques réflexions sur le miroir m’amènent à penser au cinéma, et donc au court-métrage des cinéastes apprentis qui est posté sur ce blog. Il n’y a pas longtemps j’ai pu revoir “Le Petit soldat” de J.L. Godard. Il y a une scène au miroir, le personnage se parle/nous parle à travers la caméra qui le filme, dans le miroir. Cela crée une boucle “spatiale” (acteur face miroir/dos caméra-spectateur, son reflet face au miroir et face à nous, son dos face à la caméra). Cette boucle m’évoque la “conclusion” du petit court-métrage dont la boucle est elle aussi bouclée! Au début du film, nous n’avons comme point de vue uniquement celui de l’enfant qui frappe à la porte de l’inconnu au portable (appelons-le ainsi). La fin du film réduit le champ de vision de l’enfant à son contre-champ. Au début, tout est possible, à la fin, la boucle est bouclée, comme en un reflet, pour ces personnages qui n’en sont peut-être qu’un, ce que vous suggérez d’ailleurs dans l’article que vous consacrez à ce petit film. Cela réduit terriblement l’espace, du spectateur et du protagoniste principal.

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  3. Est ce que notre esprit n’est pas non plus un miroir grâce auquel nous reflétons les pensées des autres. Seulement là, c’est un miroir déformant très souvent. On dit quelque chose, l’autre le reçoit, puis le redonne à quelqu’un d’autre, mais pas sous la même forme, sous le même aspect et du coup, plus tout à fait sous le même sens…

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