Avez-vous le désir de communauté ? ____ ___ ____(Lire Balaert)

Pour le savoir, voici l’exemple de la vie quotidienne autour de George Sand à Nohant, reconstituée par Ella Balaert :

« Voici Sand. Elle fume un cigare en écoutant ce qui se dit. Elle arrange quelques fleurs dans un vase chinois puis prend place à la table. Les autres suivent. Elle sort sa couture, Balzac parle de lui, Marie d’Agoult propose une partie d’échecs, Liszt, son amant, accepte, on cause ; Maurice dessine une caricature de son proviseur du collège Henri IV, Solange habille une poupée en babillant, Lambert reproduit une fleur d’après nature, Pauline Viardot fait une patience, on cause ; Sand brode un coussin, Chopin copie de la musique, Solange parle fort, Augustine Braud parle encore plus fort, Sand écrit une lettre ou deux, Fleury et Duvernet évoquent un souvenir d’enfance, Fernand de Préaulx, le premier fiancé de Solange, sort un paquet de cartes, Delacroix parle Mozart, Gluck, mode et vêtements avec Chopin, on entend l’horloge et le cliquetis des dominos sur la table jonchée de feuilles, de fleurs séchées, de cailloux, de soies à broder, de plumes et de feuilles de papier, on cause ; Chopin, d’une fabuleuse souplesse, se lance dans un numéro de mime acrobatique, passe une jambe par-dessus son épaule, Hippolyte, le demi-frère de Sand, commente la dernière partie de billard avec Clésinger, le deuxième fiancé de Solange, Maurice plaisante, sa femme Lina coud, Juliette Adam rêve, Sand peint une aquarelle, le Prince Napoléon Bonaparte et son amie commentent la promenade de l’après-midi, on cause ; Sand roule une cigarette, la fume, quelqu’un lit un roman contemporain, on donne son avis sur le texte, on se raconte le spectacle de théâtre de la veille, on prépare celui du lendemain, Emile Aucante rédige une leçon, un contrat ou un traité, Maurice dessine des types sociaux, pour ses futures marionnettes, Plauchut veut jouer à la bataille, Sand fabrique un chapeau de paille, on fait des charades, on cause ; Tourgueniev lit un extrait de son dernier livre, Sand écoute, Marchal lance une blague, Dumas fils lit le journal, Flaubert râle un peu, Lambert et Manceau jettent sur le papier quelques notes en vue d’un scénario pour le théâtre, on apporte les bougies, Sand coud un costume de marionnettes, Fromentin teste son roman Dominique par une lecture publique, Manceau fait de la copie, on dit bonsoir aux filles de Maurice et Lina, on cause.

En savoir plus sur ce livre :  http://ellabalaert.wordpress.com/

13 thoughts on “Avez-vous le désir de communauté ? ____ ___ ____(Lire Balaert)

  1. 😉 J’ai longtemps rêvé, d’une immense maison où poètes, peintres, écrivains, créateurs se côtoieraient pour se nourrir et de donner à l’oeuvre le souffle. C’est en faisant la lecture du journal d’Anaïs Nin que j’ai compris que l’esprit de communauté artistique n’était plus ce qu’elle était ou que du moins, je n’avais pas trouvé la talle nourrissante que j’imaginais. C’est pourquoi je blogue d’une certaine manière, pour la nourriture et l’échange.

    Je vais peindre parfois avec une dizaine de peintres, mes toiles là-bas ont un souffle que le «tu seule chez moi» ne rend pas.

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  2. Absolument pas.
    Ne surtout pas perdre de vue le contexte de cette idéalisation de la “communauté”.
    L’aisance sociale, c’est à dire financière, les milieux bourgeois, l’époque.
    Il n’est pas certain non plus, sauf dans les films et les romans, que le babillage aide à la création conséquente.

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  3. Vivre en communauté, non. Mais avoir une bande de bons amis artistes,se réunir pour causer,échafauder des projets, passer d’un atelier à l’autre et voir les travaux en cours c’est quelque chose que je suis heureuse d’avoir connu .

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  4. Cette très belle version romancée de la vie de Georges Sand témoigne sans aucun doute de la façon dont une émulation intellectuelle peut naître du quotidien lorsque chacun sait se “tenir”, dans ses propres “retranchements”.
    Oeuvrer nécessite-t-il une perpétuelle agitation, d’une parole à l’autre, d’une pensée vers autrui? Cette agitation retranscrite ici avec bonheur évoque la dynamique de l’échange autant que celle d’une pensée en acte et en action.
    Ne nous incite-t-elle pas à jeter un regard au-dehors, au-dessus du brouhaha (à l’intérieur du bruit) vers la nécessité de toute pensée, de toute oeuvre, à venir des profondeurs là où nul amabilité ne s’aventure, au plus loin de ce que nous sommes, dans un silence. Le silence de chacun résonne de la voix des autres. La pensée artistique serait-elle un éloge de l’amitié comme du respect du bruit et du silence de chacun?

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  5. Ici le moment partagé est heureux. Chacun a un rôle dans la communauté et les échanges sont apaisés. Mais cette description de l’instant ne rend pas compte de tous les comportements existants dans la communauté : alliance, dominé/dominant, conflits déclarés ou latents… Je crois par exemple que Flaubert n’appréciait pas vraiment Sand.

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  6. Le désir de communauté est une porte ouverte à l’entr’aide, à la solidarité, à la communication sociale où domine la sensibilité et le partage soit d’un bien, soit d’un service. Il se manifeste parfois aussi en faisant attention à l’autre qui est à côté de nous dans un souci harmonieux de la vie sans heurts potentiels pouvant entraver le cours normal du corpus social. La vie pose dans son quotidien une kyrielle d’actes qui trouvent leur sens dans la dynamique itinérante de leur trajectoire. Certains actes sont plaisants, d’autres sont déplaisants dans la communauté. Mais le parfait ne saurait exister sans l’imparfait. Combien même le réel sans l’iréel qui est sa négation existentielle. Le désir de communauté s’il n’avait pas existé, il fallait le créer pour une belle ambiance surtout pour des personnes évoluant dans la même sphère d’activités et agissant étroitement sur le même pôle d’intérêt voire catégorie sociale. Car les idées, les actions et les intérêts rassemblent les êtres humains autour du même feu pour cuire à la braise l’aliment propice à la satisfaction de leur désir de proximité. Dans l’agir de l’existant extérieur émerge des particules lumineuses de la connaissance, sorte d’aimant qui attire l’un vers l’autre pour une belle communion.

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  7. Je suis d’accord avec Mme Ariane, une communauté implique beaucoup plus qu’un regroupement de personnes juxtaposées. Les tout jeunes enfants jouent les uns au côté des autres, mais, ils ne jouent pas ensemble. Le texte de Mme Balaert semble décrire ce phénomène.

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  8. Cela dépend de la communauté, celle que vous avez décrite est amusante mais date un peu 😀
    Pouvoir préserver tout de même son espace de ressourcement dans la solitude.
    En tout cas, j’aimerai finir ma vie dans un ashram…

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  9. Ce que dit “imagenmots” est très juste; la jubilation enfantine et le désir de créer se ressemblent peut-être, tel qu’il apparaît dans cet extrait du roman d’Ella Balaert. Il n’est peut-être pas nécessaire de communiquer pour se faire entendre et “jubiler”, si chacun sait s’y tenir. Le plus difficile réside en cela, sans doute, de maintenir cette joie intérieure qui, ensuite, dans un second temps, sera destinée à qui veut l’entendre, aux yeux, aux oreilles, à l’appréciation de ceux qui s’y trouveront ou s’y retrouveront. Communiquer c’est autre chose, non?
    Le salon de Georges Sand n’incarne-t-il pas cet endroit particulier du temps et de l’espace où des pensées, plus que des individus, conversent entre elles?
    Une même tête aux conversations multiples? C’est peut-être très dix-neuviémiste, mais c’est aussi de là d’où nous venons, tous maintenant connectés les uns les autres sans se connaître réellement (pour la plupart des correspondants de cet endroit en tous les cas, nul besoin de se connaître réellement pour “interagir” et pourquoi pas “jubiler” comme le propose à mon avis le texte, fort d’un foisonnement intellectuel).
    Je me rappelle de la grande oeuvre considérée majeure, intitulée “le peintre à l’atelier” de Gustave Courbet. Là aussi une conversation multiple s’engage, sans savoir qui de l’un ou l’autre des protagonistes a la part la plus belle (ils sont tous là, on pourrait imaginer Georges Sand avec eux de par la portée sociale de l’oeuvre avec d’un côté des “déshérités” et de l’autre quelques “nantis”). Peut-être les deux paysages en train d’être peints au centre du tableau ou la femme nue admirant le geste du peintre sont-ils les conquérants ultimes de l’oeuvre et de notre pensée?
    Dans un texte de Courbet, il me semble, c’est une vache qui nous est montrée comme modèle et qui tout naturellement s’installe au centre de la conversation, à l’atelier, et dans notre vision. Il est conseillé aux jeunes peintres de faire venir l’animal au lieu des sempiternelles modèles vivantes.
    L’animal échappe-t-il à l’instant de jubilation, au jeu récréatif, tels qu’ils adviennent entre individus de bonne compagnie et de bonne constitution, installés dans un salon?

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  10. Je crois que les collaborations entre artistes (comme Braque avec Picasso ou Cocteau avec Diaghilev) me font davantage rêver que le mode de vie des salons romantiques, héritiers de ceux du XVIIIème …
    L’idée que la création puisse se faire autrement que dans la solitude est intéressante, stimulante. Et aussi l’idée que les différents arts puissent s’influencer mutuellement me plait beaucoup.

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  11. En fait la création ne vient jamais du néant mais bien de la collaboration ou de l’inspiration du travail des autres plus son propre apport…mais il y’a toujours une partie du travail où il faut être seul pour faire au mieux…c’est une question de bon dosage entre le communautaire et l’individuel…

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