Faut-il rêver du bonheur?

Loin de nous un bonheur en image. Plutôt un malheur réel qu’un bonheur factice. Nous ne voulons plus ce qui nous plait. Nous exigeons des corps sans séduction. Nous vous laissons à jamais la beauté des choses. Nous nous contenterons d’être réels.

Le capitalisme ne se supprime pas, il se débranche. Il suffit que nous cessions d’en être conducteurs. Devenons peu à peu semi conducteurs, afin, un beau jour, de ne plus être conducteurs du tout. Soyons inertes à toute image. Allergique à tout argent. Rétif à tout échange. Veillons à gagner chaque fois tout ce que nous refusons de perdre. Exigeons toujours le beurre et l’argent du beurre, le fromage et le dessert, la proie et l’ombre. Renvoyons les billets, et profitons des choses.

Mettons enfin en berne le drapeau de l’imagination. Cessons d’être heureux en idée, en image, en projet. Cessons d’investir dans le bonheur. Emparons nous du réel dont on ne saurait nous priver. Osons nous contredire, et vivre dans le contradictoire. Allons là où nous sommes, au seul endroit où il ne peut y avoir d’échec. Rien de réel n’est décevant puisque seule déçoit l’illusion. Nous n’aurons rien, peut-être, mais ce rien nous sera tout s’il est tout ce qui est. Jamais la peur du rien ne nous dissuadera d’exister.

21 thoughts on “Faut-il rêver du bonheur?

  1. Vous mettez bien en lumière tout le factice que voudrait nous vendre la société de consommation d’aujourd’hui.
    “La publicité est une charogne qui nous sourit”.
    La véritable existence est bien en notre simplicité naturelle.
    A être un jour et son contraire le lendemain, pour des raisons qui nous échappent parfois, ou bien encore à être et ne pas pouvoir en changer.
    Ah, la course au bonheur n’est pas matérialiste, mais elle est, et si c’est une maladie, j’en suis gravement atteinte.
    Quel en est donc le traitement ?

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  2. Aimer me paraît la plus belle des alternatives. Il se vit plus qu’il n’aspire, il me semble.

    Bien à vous.

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  3. C’est l’histoire d’un photon qui voulait être heureux. Ne sommes-nous pas – Houellebecq en avait parlé – réduits à devenir des particules élémentaires ? Cette nouvelle liberté, cette nouvelle solitude (finalement), et dont les “NTIC” ont largement contribué au développement, ne risque-t-elle pas de (re)devenir une prison ? On n’en sort pas… et il est bien difficile de quitter le “format”, sauf peut-être pour inventer (où là c’est tout à fait nécessaire).

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    1. L’image comme représentation, nous permet de communiquer, d’établir un lien. Il serait dommage de nous priver de cette possibilité.
      Mais bien entendu, d’accord avec vous, l’image ne peut nous satisfaire. Ce n’est pas une fin, ce n’est pas un avoir, mais un des possibles pour être ensemble au réel.

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      1. J’ai voulu critiquer l’entreprise, voire l’industrie d’un monde factice. Rien, ici, qui soit à supprimer. Il s’agit juste de distances à prendre et de réalités à retrouver… Qu’en pensez-vous?

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      2. Jean Paul, c’est un profond dilemme. Pour retrouver et accéder au réel, nous devons en CONVENIR, c’est-à-dire que nous ne pouvons le faire absolument seul. Et pour être ensemble, nous n’avons besoin de représentations. Ces représentations à leur tour, nous conditionnent en modifiant notre sensation. Il n’y a guère que notre conscience qui puisse nous aider. Prendre ses distances, comme vous dîtes si bien, c’est cela, c’est un “je peux me parler”, et me dire que ces représentations ne sont que des représentations. Il y a donc une nécessaire croyance dans l’existence du réel hors de soi. Cela fonde une éthique. Dès lors une nouvelle difficulté apparaît, car nous faisons partie de ce réel, il n’est pas “totalement” en dehors de nous. Personnellement, je pense que ce qui nous fait homme est en amont de la métaphysique (Levinas). Je le cite “Par conséquent, la question importante du sens de l’être n’est pas: pourquoi y a-t-il quelque chose et non rien – question leibnizienne tant commentée par Heidegger – mais: est-ce que je ne tue pas en étant?”

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        1. Le réel est patent hors de nous, j’y tiens. Mais en convenir nous place aussitôt dans le monde, les représentations, etc. L’imaginaire qui nous relie n’est pas le réel. Quant à l’être, ce qui doit être, il ‘impose à notre accord, et donc le précède au lieu d’en résulter. Je crains qu’un accord, au fond, ne prouve pas grand chose, sinon une communuté d’intérêts. Le réel, pour sa part, se donne sur un mode beauoup plus singulier, et beaucoup moins contestable.
          Au plaisir..

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  4. là où la décroissance rejoint la croissance : celle du bonheur d’exister, du bonheur de respirer, du bonheur de créer, du bonheur de transmettre…. sans compter. Merci Jean-Paul d’être passé par chez moi. Amicalement. Solange Tellier

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    1. Bonjour,
      je pense que c’est bien là le principe de la décroissance. Au départ rien à supprimer de façon autoritaire, mais le fait de vivre autrement finit par rendre inutiles certaines pratiques. Du point de vue énergétique par exemple : si chacun de nous fait un examen de sa consommation il se rendra compte de ce qui peut être changé, modéré et peu à peu, la machine se stabilisera, on pourra sortir du cercle infernal pour stopper la construction de nouvelles centrales, et pondérer la production de celles existantes. Ce n’est pas une suppression c’est une régulation par une prise de conscience responsable, citoyenne. Je ne sais pas si je suis encore dans le ton de ce post sur le bonheur … bonne journée à vous.

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  5. rêver au point d’en perdre toute notion du réel non. Mais garder une part de rêve pour accéder à un désir intense, oui. Rêver au point de visualiser une situation future aide à concrétiser un projet.
    C’est mon point de vue

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  6. le sens, est incarné par les actes;
    quoi que l’on en dise, être et non avoir,
    mais à force de regarder à travers les billets de banque, on perd le sens …
    consumer plutôt que consommer
    est-ce rêver le bonheur de jouer à la loterie?
    (-je ne joue pas)

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  7. ça me rappelle ces mots de Léo :

    Il n’y a plus rien

    Et ce rien, on vous le laisse!
    Foutez-vous en jusque-là, si vous pouvez,
    Nous, on peut pas.
    Un jour, dans dix mille ans,
    Quand vous ne serez plus là,
    Nous aurons TOUT
    Rien de vous
    Tout de nous
    Nous aurons eu le temps d’inventer la Vie, la Beauté, la Jeunesse,
    Les Larmes qui brilleront comme des émeraudes dans les yeux des filles,
    Le sourire des bêtes enfin détraquées,
    La priorité à Gauche, permettez!

    Nous ne mourrons plus de rien
    Nous vivrons de tout

    Et les microbes de la connerie que nous n’aurez pas manqué de nous léguer, montant
    De vos fumures
    De vos livres engrangés dans vos silothèques
    De vos documents publics
    De vos règlements d’administration pénitentiaire
    De vos décrets
    De vos prières, même,
    Tous ces microbes…
    Soyez tranquilles,
    Nous aurons déjà des machines pour les révoquer

    NOUS AURONS TOUT

    Dans dix mille ans.

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  8. Et pourquoi pas ? Rêver du bonheur me rend déjà heureuse, car je l’anticipe. Et je sais que le bonheur n’est pas loin, que je l’atteins, petit à petit, jour après jour, malgré les déconvenues. 😉

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    1. Mais c’est parce que le rêve est ici en lui-même bonheur au présent, et non par ce qu’il représente comme avenir possible. En ce sens, vous vivez votre bonheur, au lieu d’en rêver, même si c’est en le rêvant…

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      1. Oui et non, car certains de mes rêves ne se sont pas (encore ?) réalisés mais les imaginer me satisfait à ce stade-ci.

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    2. tout cela est fort vrai, et fort bon, mais c’est effecivement du bonheur vécu. Je pensais plutôt à ceux qui regardent le bonheur passer dans leur télévision, ou figurer derrière les vitrines. Ne pensez-vous pas que leur rêve de bonheur leur nuit?

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