La routine est le concours ordinaire que le monde apporte à notre oubli.
Même lorsque le réel se produit, comme un imprévu radical pour moi, lorsque le réel arrive, comme à l’instant de l’accident, tout finit toujours par rentrer dans l’ordre du récit, grâce au concours de spécialistes dont ce type d’imprévu est précisément la routine, et qui suivent pas à pas dans leur intervention toutes les procédures précédemment établies par les institutions dont ils sont les agents. Une certaine lassitude s’ensuit parfois. Mais qui, pour autant, préfère le réel ?
Tout le monde, tout le temps, dépense des trésors d’imagination simplement pour entretenir l’oubli du réel, et de sa radicale indifférence envers tout sens humain.
Combien de nos spectacles se contentent-ils de nous décharger provisoirement du fardeau d’oublier nous mêmes ?
Tel ou tel outil d’oubli m’épargne pour un temps de faire inattention.
plaisir du sommeil imminent: le moment vient qui me dispensera du labeur de rêver.
(Extraits de : Jean-Paul Galibert, Invitations philosophiques à la pensée du rien, Léo Scheer, 2004).